Parti de Strasbourg vers 5 heures du matin sous la pluie, je suis absolument ravi de me retrouver au pied du Mont Brouilly
éclairé par un beau soleil automnal pour commencer mon nouveau périple dans le vignoble de la Bourgogne et du Beaujolais.
Le programme 2012 ne comporte pas de nouvelles adresses puisqu’il va me conduire chez des vignerons que j’ai eu l’occasion
de rencontrer durant ces dernières années et que j’avais vraiment envie de revoir une fois de plus.
La première journée sera très « rouge » et exclusivement beaujolaise avec des visites au Château Thivin à Odenas, au domaine Burgaud à Morgon, au domaine de la Grande Cour à Fleurie et au domaine Janin à Romanèche.
La seconde journée sera plus bouguignonne et presque exclusivement « blanche » avec une étape chez les Brothers
de Vinzelles et une autre à Meursault au domaine Buisson-Charles.
Hoppla, c’est parti !
Vue panoramique sur Fleurie du haut de la Côte du Py…toute la magie des paysages du beaujolais
Jour 2. : visite au domaine de la Soufrandière à
Vinzelles
La première étape de cette deuxième journée me fait remonter un peu vers le nord, à quelques kilomètres de Mâcon, pour une
nouvelle visite chez les 3 Brothers de Vinzelles.
Le grand chantier de la Soufrandière est pratiquement terminé et ce matin il n’y a plus que deux ouvriers qui travaillent pour
finir les abords du domaine en aménageant des places de parking devant l’entrée du chai.
L’entrée du chai devant les bâtiments de la Soufrandière
Comme souvent, c’est Jean-Philippe Bret qui me reçoit pour me communiquer les dernières nouvelles de la
Soufrandière :
- en premier lieu, nous parlons du millésime 2012 : avec un rendement moyen de 45 hl/ha sur le domaine ce trio de vigneron a
réussi une véritable performance. « Mais le travail à la vigne fut colossal » : la pression du mildiou et la pluie qui lessivait les traitements les ont obligés à
multiplier leurs interventions. Un effeuillage sélectif à la main sur de nombreuses parcelles a également demandé beaucoup de temps et d’énergie mais s’est montré payant au bout du
compte.
- pour notre second sujet, nous parlons des nouvelles pratiques de vinification et d’élevage mises en œuvre au domaine :
l’idée du pressoir vertical, évoquée l’année passée a été abandonnée mais sur les vins de 2012 ces vignerons ont expérimenté le passage de la vendange dans un fouloir avant le pressurage
« pour favoriser l’extraction des polyphénols ». Rendue possible avec la nouvelle cave, la pratique des élevages plus longs s’est étendue a quelques cuvées
supplémentaires sur ce millésime « avec un passage en cuve de 6 mois sur quelques lies fines, nous pouvons limiter voire même supprimer les
filtrations ».
- bien sûr, avant d’aborder la dégustation je n’ai pas pu m’empêcher d’évoquer la future carrière de stars du 7° art des frères
Bret après leur prestation remarquée dans le film « La clé des terroirs » : Jean-Philippe m’a raconté la genèse de cette œuvre
cinématographique très militante créée par un jeune passionné de vin et de cinéma qui a travaillé à la Soufrandière.
Mais trêve de bavardages, l’heure de l’apéritif approche, il faut passer aux choses sérieuses :
direction le chai, pour déguster quelques références du millésime 2011, parmi les fûts de chêne où séjournent les vins de 2012.
D’un côté, des barriques contenant une partie de la récolte 2012…
…de l’autre
côté, une impressionnante série de bouteilles qui attendent le dégustateur.
Mâcon Chardonnay 2011 : le
fruité est mûr et finement exotique, en bouche la matière est particulièrement avenante avec un équilibre riche et gourmand et une finale pointue finement citronnée.
Cette vigne située sur le village de Chardonnay (d’où le nom de la cuvée…moi qui croyais que les frères se mettaient à l’heure alsacienne en mentionnant le
cépage !) est travaillée en viticulture bio depuis 3 ans et le vin qui en est issu séduit sans réserve par son équilibre et sa suavité…ça commence très fort !
Mâcon Chardonnay La Roche
2011 : le nez est plus réservé, encore un peu marqué par l’élevage, mais l’oxygénation révèle de belles notes de craie et un fruité frais, la bouche est ample, généreuse et
finement tendue, la finale est joliment citronnée et légèrement épicée.
Orientée au sud et très caillouteuse cette parcelle en conversion bio pour la 3° année a permis aux frères Bret de nous régaler avec cette cuvée élevée en
demi-muids : équilibré et déjà très gourmand ce Mâcon-Villages possède une densité qu’on ne trouve que très rarement sur ce type d’appellation.
Mâcon Cruzille 2011 : le nez est fin et délicat avec des notes de pamplemousse
et de vanille, la bouche allie le gras et la droiture avec beaucoup d’élégance, la minéralité se révèle progressivement en finale.
Elevée en demi-muids et en barriques cette cuvée issue d’une parcelle argilo-calcaire de vieilles vignes travaillée en bio séduit par sa pureté et sa profondeur
mais recèle un vrai potentiel d’évolution…après un Mâcon étonnant de densité voilà le Mâcon vin de garde !
Mâcon Cruzille Clos des Vignes du Mayne 2011 : le nez est discret
avec de beaux arômes citronnés et une petite touche de menthe, la bouche est bien droite, solidement tendue par une belle acidité, la finale est vive et finement aromatique.
Issue d’une vigne travaillée en bio depuis de longues années cette cuvée très confidentielle (3 tonneaux en 2011) est élevée à 100% en barriques et représente
une forme de perfection dans l’expression du terroir de Cruzille. D’un abord avenant dans sa prime jeunesse, ce vin fait presque oublier qu’il est également et peut-être avant tout un vin de
garde.
Viré Clessé La Verchère 2011 : le nez est encore bien fermé,
légèrement floral et très minéral, en bouche la structure est ample mais très tendue et la finale possède une salinité intense.
Issue d’une parcelle située dans le secteur nord de Viré, exposée à l’est, pentue mais avec des sols assez profonds riches en oxyde de fer, cette cuvée est
également labellisée bio. Ce 2011 encore bien jeune révèle un équilibre tonique et une profonde marque minérale…un grand vin de terroir en devenir.
Saint Véran En Combe 2011 : le nez est pur et discrètement citronné,
la bouche est vive avec une structure élégante et longiligne et une finale finement acidulée.
Issu d’une parcelle très calcaire et particulièrement riche en oxyde de fer située sur la commune de Chasselas, ce Saint Véran montre encore beaucoup de retenue
aujourd’hui mais possède une matière qui lui garantit une belle évolution dans le temps.
Saint Véran La Côte Rôtie 2011 : le nez est très fin sur les agrumes
et l’amande fraîche, la bouche est généreuse avec une structure sphérique et une finale longue soutenue par une solide minéralité.
Comme l’annonce le nom de la cuvée, cette parcelle située a Davayé près de la roche de Vergisson possède un climat très solaire avec sa forte pente, son
exposition plein sud et son sol calcaire. Le vin qui y naît séduit par sa richesse posée sur un fond minéral très solide qui lui donne un côté immédiat très charmeur…mais ne nous trompons pas, sa
belle matière et son équilibre le destinent à être gardé quelques années en cave.
Pouilly Loché La Colonge 2011 : le nez est citronné et finement
mentholé, la bouche est ample et droite avec une vivacité bien marquée, la finale est très fraîche et finement minérale.
Située sur la plus petite appellation du mâconnais, cette parcelle limono-argilo-calcaire de mi-coteau exposée à l’est, a produit un vin sérieux et minéral qui
commence à peine à se livrer aujourd’hui mais qui montre le potentiel, peut-être encore sous-estimé, de ce terroir.
Face à la série de bouteilles qui m’attend encore, je prends la précaution de rappeler à Jean-Philippe que je reste un dégustateur amateur qui
fatigue après une quinzaine de vins...un choix s’impose !
Jean-Philippe en train de sélectionner les bouteilles qui finiront notre série.
Pour la suite de la dégustation nous quittons la série des cuvées Bret Brothers pour taster quelques
vins produits sur la Soufrandière :
Mâcon Vinzelles Le Clos de Grand Père 2011 : le nez est fin et
délicat avec un fruité très discret et quelques notes de noisette, la bouche est très suave avec un toucher onctueux et une finale qui revient sur plus de fraîcheur..
Cette cuvée élevée majoritairement en cuve (90%) et provenant d’une parcelle calcaire située au pied des vignes où naît le Pouilly Vinzelles est toujours aussi
gourmande : son expression fruitée est encore sur la réserve mais la caresse de sa texture en bouche est déjà un vrai plaisir.
Pouilly Vinzelles 2011 : le nez est pur et plus complexe sur les agrumes frais
avec une pointe minérale déjà bien dessinée, la bouche riche et détendue avec une belle fraîcheur qui s’affirme progressivement, la finale révèle une petite touche mentholée et une fine trame
minérale.
La production des jeunes vignes (40 à 45 ans quand même) du climat des Quarts est isolée dans cette cuvée élevée pour 70% en cuves et 30% en fûts. Millésime
après millésime ce Pouilly Vinzelles s’inscrit dans ma sélection coup de cœur du domaine : fruité, frais, glissant et parfaitement équilibré…en un mot,
irrésistible !
Par la suite, Jean Philippe m’invite à découvrir la série de vins de 2011 qui bénéficient d’un élevage plus long et séjournent encore en cuves sur
lies fines :
Pouilly Fuissé En Carementrant 2011 : le nez est fin et discret sur le
beurre frais et l’amande, la bouche présente déjà une personnalité tout à fait charmante avec une structure très sphérique et une finale ciselée avec précision et longuement
aromatique.
Issu d’une parcelle de vieilles vignes exposées au sud et située sous la roche de Vergisson ce Pouilly Fuissé révèle pour l’heure une personnalité très
murisaltienne : équilibre parfait, raffinement dans l’expression aromatique et texture très veloutée…une superbe cuvée !
Pouilly Fuissé La Roche 2011 : le nez est vif et pointu avec des notes de
citron et de pierre chaude, la bouche est droite mais très volumineuse avec une richesse minérale déjà bien présente.
Comme sur 2010, cette cuvée issue d’une vigne sur le côté est de la roche de Vergisson se différencie fortement de la précédente : ample, tendu et d’une
énorme concentration minérale, c’est incontestablement l’un des grands vins de garde de la gamme des Brothers…
Pouilly Vinzelles Les Longeays 2011 : le nez est très raffiné sur le
fruit mûr et la noisette torréfiée, la bouche se montre avec beaucoup d’aplomb avec sa structure ample et sa profonde minéralité qui tend longuement la finale.
Sur ce coteau en pente douce exposé est-sud/est, la vigne se porte à merveille : « après 12 ans de travail en bio les sols sont parfaits, ils
ont trouvé leur équilibre et fonctionnent en symbiose parfaite avec la plante ».
Riche en argiles, en oxyde de fer et en manganèse ce terroir situé à côté des Quarts produit chaque année un vin très complet qui étonne par son côté ouvert et
avenant…surtout lorsqu’on le compare à ses illustres voisins des Quarts…
Les Longeays
Pouilly Vinzelles Les Quarts 2011 : le nez est pur mais très réservé,
en bouche le volume est impressionnant – on a l’impression d’une sphère en expansion – la texture est magnifique et l’équilibre, d’une précision d’orfèvre nous donne une impression de plénitude
absolue.
Ce Pouilly Vinzelles encore timide dans son expression aromatique est simplement parfait en bouche…une fois de plus le terroir emblématique de la Soufrandière a
généré un vin qui frise la perfection…ou qui l’a peut-être atteinte !
Les Quarts
Pouilly Vinzelles Les Quarts-Cuvée
Millerandée 2011 : le nez encore très fermé porte une discrète marque boisée, la bouche est très puissante avec une matière opulente et une acidité mûre et très large
qui structure l’ensemble, la finale est longue, tendue et profondément minérale.
Les très vieilles vignes (plus de 80 ans) des Quarts qui ont une tendance au millerandage sont à l’origine de cette cuvée d’exception où ce terroir béni de
Vinzelles est porté à un degré d’expressivité particulièrement élevé : encore tout en retenue mais avec une densité et une force rares…un grand vin de garde évidemment !
Pouilly Vinzelles Cuvée X-Taste 2009 : le nez est ouvert et bien
défini sur le miel et le raisin mûr avec une touche botrytisée très nette, la bouche est complexe et expressive avec de beaux arômes de pâte de coing, de camphre et d’épices douces, la finale est
longue mais bien fraîche.
Cette cuvée toujours encore en fûts est issue d’une vendange tardive sur le coteau des Quarts. Atypique pour cette région, X-Taste possède une personnalité dont
les traits commencent à peine à se préciser mais qui séduit par son équilibre très digeste…joli !
Avec la réussite de ce millésime de tous les dangers que fut 2012, les frères Bret ont pu constater que leurs choix
méthodologiques et leur travail à la vigne ont largement porté leurs fruits. Ces fervents défenseurs d’une viticulture qui respecte la vie des sols et qui préserve les écosystèmes autour de
la vigne ont été récompensés par une récolte hautement qualitative et satisfaisante au niveau quantitatif…Leurs parcelles sur la Soufrandière sont arrivées aujourd’hui à un équilibre idéal dans
la relation plante/terroir et les vignes labellisées Bret Brothers conduites dans le même esprit sont en bonne voie pour leur ressembler.
Les vins de 2011 sont assez volumineux mais avec des structures acides précises et longues et de profondes marques
minérales qui leur donnent un équilibre gourmand mais très tonique.
Dans cette gamme riche et diversifiée, chaque amateur de vin pourra aisément trouver son bonheur : entre les entrées
de gamme splendides comme les deux cuvées de Mâcon Chardonnay et les grands vins encore en cours d’élevage qui semblent encore avoir gagné en précision et en pureté, il n’aura que l’embarras du
choix pour remplir sa cave.
Si vous voulez découvrir de plus près le travail de ces vignerons, n’hésitez pas à visionner le DVD « La clé des
terroirs ».
Merci à Jean-Philippe pour son accueil…et à l’année prochaine.