LE HOMARD DANS TOUS SES ETATS
DÎNER AU RESTAURANT « LA VIGNETTE »
Organisé pour la deuxième année consécutive par Thierry Meyer ce repas autour du homard s’est déroulé au restaurant « La
Vignette » à Strasbourg-Koenigshoffen (à ne pas confondre avec son homonyme – fort recommandable d’ailleurs – qui se trouve à Strasbourg-Robertsau).
Le menu qui proposait 3 plats mettant en valeur ce prestigieux crustacé a permis à une joyeuse tablée de becs fins de déguster
quelques belles quilles sorties de leur caves personnelles.
Plat 1 : Bisque de homard – Chantilly de cerfeuil tubéreux et croûtons persillés
Pour accompagner :
Savennières Roche aux Moines 2009 – Domaine Pierre Bise : ce vin fin et complexe
flatte l’olfaction avec des arômes de miel, de fleurs et de coing frais. En bouche il se révèle très droit, presque austère, avec une structure alliant gras et salinité et une acidité vive qui
monopolise la finale.
Gewurztraminer G.C. Rangen-Clos Saint Urbain 1990 – Domaine Zind-Humbrecht : ce vin
raffiné possède une palette complexe sur les fleurs (rose, lilas, guimauve…) et le truffe, en bouche il se caractérise par du gras, un léger moelleux et une puissante minéralité, le volume et la
longueur sont impressionnantes.
Chablis 1°Cru Mont de Milieu 1979 – Domaine Albert Pic : le nez est bien typé avec
des notes de mie de pain et une minéralité très présente (craie humide), la bouche est encore vive et tendue, la finale discrètement iodée révèle malheureusement quelques notes
liégeuses.
La bisque qui affirme une personnalité très « homardine » particulièrement forte en goût a lancé un défi difficile à
relever pour ces trois bouteilles :
- le Savennières encore un peu jeune a tranché sans faiblesse avec les arômes du plat, créant une association basée sur un
contraste très dynamique.
- le Rangen m’a étonné parce que je n’attendais pas un gewurztraminer sur ce plat mais ces deux éléments très « forts en
gueule » ont chanté ensemble en parfaite harmonie…superbe !
- l’alliance Chablis-bisque s’est illustrée par l’exacerbation du côté minéral : à réserver aux amateurs de saveurs maritimes
et iodées dont je ne fais hélas pas partie.
Le premier trio en bouteilles…
…et dans les verres.
En attendant la suite :
Montlouis sur Loire Les Choisilles 2008 – Domaine François Chidaine : le nez est
ouvert et bien expressif sur les fruits blancs (pomme golden, poire), la bouche est très gourmande avec beaucoup de gras et de soie malgré la pointe acidulée qui soutien vaillamment
l’ensemble.
Un peu plus aimable que le Savennières ce beau Montlouis nous régale avec une version très conviviale du chenin. Voilà une belle
bouteille à savourer pour elle-même…un très beau choix pour attendre la suite !
Plat 2 : Pinces en tartare aux fruits de la passion – Râpée de radis noir à l’orange sanguine.
Pour accompagner :
Puligny Montrachet 1°Cru Les Perrières 2006 – Domaine Louis Carillon : le nez est
discret avec des notes de tilleul, de pierre et d’herbes aromatiques, en bouche le vin séduit par son caractère gras, sa texture raffinée et son acidité franche mais bien souple.
Riesling G.C. Hengst 2007 – Domaine Josmeyer : le nez est pur et expressif sur les
agrumes frais, la pierre chaude et un fond miellé très agréable, après une attaque vive et pointue, la matière s’élargit pour occuper la bouche avec une chair gourmande et une texture très
grenue, presque tannique, la finale est très longue.
Chassagne Montrachet 1°Cru Les Caillerets 1997 – Domaine Marc Colin : le nez est bien
évolué avec des notes de beurre et de noisette grillée, en bouche la structure est avenante mais l’équilibre final un peu chancelant trahit un apogée déjà largement dépassé.
Face à un plat au goût riche et puissant le Puligny qui s’est bien tenu, tout en distinction et en droiture, aurait eu besoin d’un
peu plus de fantaisie pour s’accorder idéalement, le second bourgogne de la sélection a rendu les armes sans vraiment pouvoir livrer bataille quant au Hengst, il a été unanimement reconnu comme
le compagnon idéal sur les arômes exotiques et complexes de cette préparation.
En guise de bonus :
Riesling G.C. Florimont 2008 – Domaine de l’Oriel : le nez est assez proche de celui
du Hengst avec quelques très belles notes florales et miellées qui viennent encore complexifier la palette, en bouche l’équilibre entre cette acidité bien large et cette matière très puissante
est simplement magnifique.
J’ai déjà souvent dégusté ce Grand Cru chez Claude Weinzorn et jamais il n’a réussi à me séduire face aux exubérants Brand et
Sommerberg…mais il s’avère qu’à table, il s’impose comme une référence et nous offre le plus bel accord de la soirée avec ce second plat.
Plat 3 : Sabayon de homard au champagne – Héliantis et Oca du Pérou juste poêlés à l’huile d’olive
citronnée.
Pour accompagner :
Crémant d’Alsace Clos Saint Landelin-Cuvée Oenothèque Alsace 2005 – Domaine René
Muré : la bulle est très fine mais la mousse est dense et persistante, le nez est discret sur les fruits blancs et la bouche très vineuse s’appuie sur une solide charpente,
la finale reste un peu austère.
Riesling G.C. Florimont 2007 – Domaine de l’Oriel : le nez est flatteur dominé par
une palette florale bien épanouie, la bouche est généreuse, très gourmande mais la finale laisse parler le terroir en livrant de très belles notes salines.
Vouvray sec 1961 – Domaine Clovis Lefèvre : le nez est marqué par l’évolution et s’ouvre sur
un registre un peu fermentaire (pâte à pain) avant de révéler quelques discrètes notes florales, en bouche les arômes s’affinent quelque peu mais la matière semble un peu fluette et la finale
relativement courte peut faire penser que ce vin à largement dépassé son apogée.
Ce plat aux senteurs un peu plus discrètes a permis d’associer avec facilité ces trois vins forts
différents :
- le crémant 2005 dégorgé en 2010 et non dosé s’est montré très à l’aise pour créer une rupture très tonique avec les textures
moelleuses de cette préparation
- un peu moins abouti que son cadet de 2008 (mais si peu…) le Florimont 2007 s’est montré très à l’aise dans un accord presque ton
sur ton.
- âgé de plus d’un demi-siècle le vouvray n’a pas vraiment convaincu face au verdict des papilles mais avec des vins de cet âge il
faut sûrement rentrer dans un autre référentiel pour les évaluer comme ils le méritent…respect !
Dessert : Carpaccio de mangue à l’huile d’olive vanillée et au poivre de Java – Granité d’ananas au
rhum.
Pour accompagner :
Riesling Vendanges Tardives 2007 – Domaine Louis Hauller : délicatement aromatisé de notes
d’agrumes confits et de mandarine ce vin charme avec simplicité et aisance tant sa matière est harmonieuse et gourmande.
Muscat Clos Saint Landelin Vendanges Tardives 2007 – Domaine René Muré : le nez est
intense et surprenant sur la fumée, le cigare et un soupçon de menthe poivrée, la bouche est dense et concentrée avec une palette toujours dominée par des arômes de fumée et de tabac, la finale
est très longue.
Pinot Gris Altenbourg Quintessence de Grains Nobles 2008 – Clos des Capucins : le nez
est intense sur la mangue et l’abricot mûr, en bouche la matière riche et résolument liquoreuse une extraordinaire impression de puissance et d’équilibre. 10°5, 180g de S.R., 7,8g d’A.T., voilà
les mensurations de la « bête » qui se laisse déjà apprivoiser très facilement malgré son jeune âge…
Bouquet final en bouteilles…
Sur un dessert très raffiné dédié aux fruits exotiques les trois vins trouvent des registres harmoniques différents mais bien
réussis :
- avec son profil avenant et relativement simple le riesling V.T. cohabite paisiblement avec le plat
- la forte personnalité du muscat ne se prête surement pas facilement à des mariages culinaires mais là, la résonnance se fait
grâce au fond épicé que l’on retrouve aussi bien dans l’assiette que dans le verre
- avec la mangue comme point commun le mariage du pinot gris et de ce dessert paraissait évident mais à mon sens la force du vin
domine un peu trop le plat pour pouvoir parler de réelle harmonie. Cette cuvée est peut-être un peu too much pour être appréciée autrement que pour elle-même…Egoïste !
…et dans les verres.
Pour conclure :
- C’est toujours un plaisir de se retrouver en bonne compagnie autour d’une table garnie de mets raffinés et de belles
bouteilles. Grâce aux talents d’organisateur de Thierry Meyer et à la qualité de l’accueil des restaurateurs nous avons passé une très bonne soirée…Merci à
tous !
- Le divin crustacé était mis à l’honneur et le chef Michaël Levi nous a montré sa force créatrice en livrant 3
préparations très originales sur le thème du homard. Il n’aura cependant pas réussi à me faire oublier la version Guggenbuhl de 2010, peut-être moins sophistiquée mais tellement plus
« homardine »
- Au niveau des vins ce repas m’a permis de vérifier une fois encore que les blancs alsaciens se tenaient véritablement
très bien face à des préparations gastronomiques : sur le homard, ils dominent même les blancs de Bourgogne, surtout lorsque les préparations font la part belle à des saveurs exotiques et
épicées.
- Pour déterminer les coups de cœur pas de suspense, même si l’Altenbourg 2008 des Weinbach se pose tout naturellement
comme la star de la série, pour moi, le Florimont 2008 du domaine de l’Oriel s’est montré le plus grand sur la table de ce soir…