Avec l’âge, je me rends compte que j’aime de plus en plus ces habitudes qui ponctuent le cours du temps en me donnant la
trompeuse impression d’un défilement un peu moins rapide des années.
Depuis près de deux décennies, ce périple bourguignon fait partie des virgules temporelles indispensables à mon
bien-être : ces quelques jours dans le vignoble de la Côte d’Or me permettent d’envisager la fin de mes vacances estivales avec sérénité, gonflé d’une énergie positive nécessaire pour
entamer cette nouvelle année scolaire.
Comme nos deux jeunes membres du club A.O.C. qui nous avaient accompagnés en 2011 étaient retenus en Alsace pour des
raisons familiales ou professionnelles, nous voilà « on the road again » dans notre formation habituelle : en duo avec Martial, l’inventeur du béton au riesling.
Le programme de cette année est assez conséquent : trois étapes traditionnelles – Murat, Carillon et Castagnier – et trois nouvelles adresses – Carré, Rion et Chicotot.
Hoppla c’est parti !
Jour 1 : domaine François Carillon à Puligny
Depuis la fin des années 80, l’étape chez les Carillon figure au programme de chacune de mes virées en terre bourguignonne et, même si 2012 est une année de changement (si peu d’ailleurs…hélas !), en ce qui concerne mon circuit œnophile la constance sera de mise…direction place de l’Eglise pour une nouvelle rencontre avec François Carillon.
Nous commençons la dégustation dans la cuverie avec les vins de 2011
qui séjournent sur lies fines en cuves inox. Après près d’un an en barriques où les vins effectuent leurs fermentations alcoolique et malo-lactique, les différentes cuvées passent 6 mois en cuves
pour affiner l’élevage et harmoniser les matières.
François Carillon jouant de la pipette dans sa cuverie.
Bourgogne blanc : le nez est charmeur sur les fruits blancs, la bouche est onctueuse avec une
matière concentrée et un joli gras, la finale révèle un caractère déjà bien minéral et une fine touche vanillée.
Cette parcelle de vieille vigne située sur le lieu-dit la Combe donne régulièrement de petits raisins de très belle qualité et
permet à François Carillon de réaliser cette superbe cuvée d’entrée de gamme au prix très attractif (10 euros) qui nous fait entrer de plein pied dans l’esthétique des vins du domaine :
pureté, équilibre et minéralité.
La nouvelle étiquette des vins du domaine François Carillon.
Puligny Villages : la robe est un peu trouble, le nez est discret mais franc et la bouche
révèle une matière superbe : malgré une sensation de richesse et d’opulence, l’équilibre est parfaitement sec et la finale se montre tendue et finement boisée.
Cette cuvée villages qui provient du lieu-dit « Noyer Bret » a été soutirée il y a moins d’une semaine mais se goûte
parfaitement bien aujourd’hui : quel équilibre, quelle présence, quel beau vin !
Puligny Villages Les Enseignières : le nez est ouvert, épanoui, presque exubérant,
sur la vanille et l’ananas frais, en bouche le côté très charmeur se confirme avec une matière gourmande qui allie gars et vivacité, la finale est bien droite avec une belle longueur
aromatique.
La parcelle des Enseignières est une vieille vigne (plus de 50 ans) située sous Bâtard Montrachet, qui produit des grappes avec de
très petits grains souvent bien concentrés. Cette cuvée élevée pour 20% en fûts neufs séduit d’emblée par son aromatique très expressive tout en marquant son origine par une très belle tenue en
bouche. MIAM !
Les deux cuvées « villages » 2010
Puligny 1° Cru Les Champs Gain : le nez est discret sur le pamplemousse et la craie,
la bouche est vive avec un équilibre sec et une finale nette et pointue où persistent longuement des notes de zestes d’agrumes soutenues par de belles évocations minérales.
Ce 1°Cru situé à une altitude relativement élevée révèle sa nature minérale dès son plus jeune âge…un vin un peu austère mais de
grande race.
Puligny 1° Cru Les Referts : le nez est marqué par de puissantes notes minérales
(craie, silex), la bouche possède un équilibre sec mais révèle une chair étonnamment gourmande, la finale nette et assez pointue laisse apparaître quelques amers très nobles.
Comme souvent, ce 1°Cru se situe dans un registre complexe entre générosité et empreinte minérale. Hélas, le bail relatif à cette
parcelle arrive à échéance à la fin de l’année…espérons que François Carillon arrivera à conserver ce beau terroir dans sa gamme de vins.
Pour la suite de la dégustation nous passons dans le chai à barriques où séjournent les cuvées 2011 qui passent leurs dernières heures dans les contenants en chêne (le soutirage est programmé le lendemain).
Puligny 1° Cru Les Folatières : le nez est discret et très fin sur le tilleul, le
citron, la mélisse, la bouche possède un toucher bien gras, un équilibre tonique et une finale minérale avec des amers très fins.
Achetée cette année par François Carillon cette parcelle classée qui fait dorénavant partie du patrimoine de ce domaine a produit
un vin à l’aromatique très raffinée et dont l’ampleur et la profondeur en bouche présagent d’un très grand potentiel de garde.
Puligny 1° Cru Les Combettes : le nez est délicat avec des notes beurrées et
discrètement vanillées, la bouche est ample et juteuse avec un fruité très présent (orange) et une finale longue marquée par les épices douces.
Ce 1°Cru se livre à nous avec beaucoup d’élégance en révélant un profil très murisaltien…MIAM !
Puligny 1° Cru Les Perrières : le nez est discret sur le pomelo et la pierre chaude,
la bouche est superbe avec une matière ample, un toucher très gras et une finale tendue, minérale et d’une grande longueur.
En me remémorant mes précédentes visites je me rends compte que je ne goûte pas toujours très bien ce 1°Cru à cette période de
l’année mais aujourd’hui ce n’est vraiment pas le cas : plein, abouti avec un potentiel énorme…voilà le grand vin de cette très belle série de crus de Puligny.
Triplette de 1° crus sur le millésime 2010
Chassagne Montrachet 1°Cru Le Clos saint Jean : le nez est discrètement fruité et
vanillé, la bouche possède une matière charnue soutenue par une structure vive et laisse s’épanouir une aromatique toujours bien fruitée et légèrement épicée.
Cette cuvée est issue d’une jeune vigne replantée sur une parcelle où le domaine produisait traditionnellement ses Chassagne
rouges. On n’y retrouve pas forcément la profondeur minérale des Puligny mais le charme est évident. MIAM !
Chassagne Montrachet 1°Cru Les Macherelles : le nez est ouvert et séduisant sur le
citron et l’ananas frais, la bouche très tonique développe progressivement une belle complexité aromatique.
Cet assemblage à parts égales de jeunes et de vieilles vignes nous livre un vin semblable au précédent par son côté facile d’accès
et avenant mais se distingue par un petit supplément d’élégance et de complexité.
Une petite pause dans le chai à barriques du domaine.
Avec le millésime 2010, la séparation du domaine Carillon en deux entités de production distinctes est définitivement
établie : les nouvelles étiquettes estampillées François Carillon marquent de façon objective cette étape importante dans l’histoire de cette famille vigneronne implantée depuis plusieurs
siècles à Puligny. Cependant, comme je l’ai déjà évoqué lors de mes dernières visites, cette exigence qualitative absolue qui a fait la renommée du domaine Louis Carillon et fils ne semble pas
être remise en cause par ces récents bouleversements.
Après ses deux premiers millésimes « en solo », François Carillon commence à imprimer sa patte de vigneron et de
vinificateur à ses cuvées :
- il s’applique à mettre la vigne en condition de la façon la plus naturelle possible pour lui permettre de produire les
plus beaux raisins possible.
- il choisit des élevages longs pour laisser au vin le temps de s’affiner mais aussi de se stabiliser davantage, ce qui
lui permet de limiter l’apport excessif de soufre : « Je ne suis pas un adepte des vins nature mais je refuse le matraquage des vins par le soufre…je recherche des valeurs de SO2 libre
comprises entre 40 et 45 mg/l ».
- il utilise de la matière sèche de première qualité, au niveau des bouchons en particulier « nos crus sont destinés
à une garde de 10 ans et plus, les bouchons doivent être parfaits ».
Après les vins de 2010 qui m’avaient fait forte impression l’année passée, le nouveau millésime en cours d’élevage m’a
littéralement enchanté : les différentes cuvées dégustées ont montré de façon très nette des personnalités fortement typées par leur origine et des matières ciselées avec une précision
d’orfèvre. Les vins de 2011 seront peut-être un peu plus riches que ceux du millésime précédent mais chez François Carillon, les équilibres sont parfaitement secs avec des ossatures minérales qui
donnent à toutes les cuvées cette droiture recherchée par les amateurs de Puligny.
Les blancs de Chassagne que j’ai dégustés pour la première fois cette année ont constitué une très belle surprise. Lors de
mes premières visites au domaine Carillon, j’avais pour habitude de goûter la cuvée de Chassagne Montrachet rouge, qui était un vin rouge solide et rustique nécessitant pas mal d’années de garde
avant de se laisser approcher. Le changement de couleur sur ces parcelles a permis à François Carillon d’enrichir encore un peu sa gamme avec des vins vraiment
prometteurs.
Pour 2012, notre vigneron se montre un peu fataliste « Des gelées violentes en hiver et au printemps, beaucoup
d’humidité, de fortes pressions du mildiou et de l’oïdium et de très violents orages de grêle en juillet et en août…je crois qu’on a tout eu ! » mais le moral reste au beau fixe :
il accepte ces aléas de la nature qui font partie intégrante de la vie d’un vigneron.
Personnellement je suis convaincu qu’il réussira de grands vins cette année…mais il n’y en aura peut-être pas pour tout le
monde !
Merci à François Carillon pour cette superbe visite…et vivement l’année prochaine !
Les Bienvenues-Bâtard et Puligny vus de la route vers Chassagne…
...et notre point de chute pour le soir à Santenay : une adresse hautement recommandable pour son bon rapport Q/P et sa carte des
vins qui fait vraiment la part belle aux crus du secteur…ah si les restaurant d’Alsace pouvaient en prendre de la graine !!!