En pleine campagne de dégustation pour le Guide Bettane-Desseauve, Thierry Meyer nous propose de partager avec lui
quelques crus sélectionnés parmi plus de 150 échantillons qu’il vient de goûter et de noter ce week-end…voilà une invitation dominicale qui ne se refuse pas !
Poussé par son enthousiasme légendaire il nous emmène au pas de charge à la rencontre d’une série de flacons :
crémants, pinots noirs, cuvées génériques, grands crus et VT… je n’ai pas compté mais le nombre de références goûtées dépasse largement mes capacités d’analyse et de
mémorisation.
Les commentaires ont été rédigés le lendemain suite à une seconde dégustation de quelques bouteilles que Thierry nous avait demandé d’emporter chez nous pour faire
un peu de place dans sa cuisine…il y a certains services qui sont plus faciles à rendre que d’autres !
Sylvaner Brandstatt 2009 – J.F. Otter à Hattstatt.
La robe est d’un jaune assez vif avec des bords denses, le nez est élégant et subtil sur un registre floral et épicé, la bouche possède une chair bien grasse
équilibrée par une belle salinité, la finale longue et droite est marquée par des notes pierreuses.
L’aspect de la robe nous met immédiatement sur la piste d’un sylvaner un peu hors normes, la complexité de l’olfaction et le
structure en bouche confirment l’hypothèse : sur ce coteau marno-calcaire contigu au Grand Cru Hatschbourg Jean-François Otter a réussi un très grand sylvaner de terroir.
Pinot Gris Vieilles Vignes 2010 – Gilg à Mittelbergheim
La robe est pâle avec des reflets argentés, le nez est ouvert et charmeur sur les fruits blancs et les fleurs, l’attaque en bouche est acidulée, le
milieu très large et avec un jolis gras révèle de beaux arômes de poire mûre, la finale est fraîche et finement saline.
Un pinot gris superbe, frais et très pur dans son expression qui séduit par la fraîcheur de son équilibre et dont le rapport Q/P
en fait un premier « must » sur 2010.
Pinot Gris G.C. Rangen Clos Saint Théobald-Schistes 2007 – Schoffit à Colmar
La robe est or vif, le nez est discret et complexe avec des fruits jaunes mûrs sur un fond très empyreumatique (tabac blond, pierre à feu), en bouche la matière
étonne par sa grande richesse, corsé mais bien équilibré, ample et gras avec quelques tanins discrets, très long en finale.
Un vin capiteux qui se livre déjà de façon fort plaisante mais qui demandera une grande garde pour exprimer pleinement son
potentiel.
Riesling G.C. Rangen Clos de la Ville de Thann 2008 – Schoffit à Colmar
La robe est très claire mais lumineuse avec des bords vert pâle, le nez très frais s’exprime sur un registre exotique (ananas, citron mûr), la bouche est très ample
avec un gras sensible mais un équilibre digeste, légèrement épicée la finale est marquée par une pointe minérale.
Issu de jeunes vignes sur le Grand Cru, ce « clos » se caractérise par un cépage très présent sur le plan olfactif mais
une présence en bouche dont la belle facture promet…un peu comme une version « soft » du Rangen.
Riesling G.C. Schlossberg 2009 – Trapet à Riquewihr
La robe est très claire avec des reflets métalliques, le nez est discret, pur, le registre se développe sur la pierre, les agrumes mûrs et une pointe vanillée, la
bouche est ronde et bien mûre avec un fruité puissant et une structure plus en largeur qu’en profondeur. Il faut attendre la finale pour trouver un peu de vivacité ainsi que la touche minérale du
terroir.
Un riesling charmeur par son profil aromatique et sa structure opulente, peut-être un peu trop rondouillarde pour les
puristes…mais le temps gommera sûrement ces petits excès.
Pinot Noir Côte de Rouffach 2009 – Rieflé à Pfaffenheim
La robe est rubis clair, assez dense avec une frange rose, le nez est expressif et flatteur sur le bigarreau, le noyau de cerise, la pivoine…, la bouche est
juteuse, très fruitée avec une présence tannique très soyeuse qui donne beaucoup de corps à la structure sans marquer la texture.
Un vin rouge au fruité très épanoui qui se goûte remarquablement bien dans sa prime jeunesse…et c’est tant mieux car avec une
matière aussi ronde on peut logiquement se demander s’il a les épaules pour tenir dans le temps ?
Pour respecter la demande de Thierry, ces notes sont postées quelques mois après leur rédaction, pour laisser la légitime
primauté aux notes du Guide BD qui vient de sortir il y a quelques jours.
La première conclusion que je pourrai énoncer après cette séquence, c’est que le métier de critique dégustateur, qui peut
faire rêver des boit-sans-soif de mon acabit, n’est vraiment pas de tout repos : enchaîner des quilles à un rythme endiablé avec les papilles en éveil et l’esprit acéré, c’est vraiment du
sport !
Sinon, parmi les bouteilles commentées, j’ai été particulièrement séduit par la version « jeunes vignes » du
riesling Rangen de Schoffit, très juvénile par bien des aspects mais déjà terriblement mature dans sa présence et sa tenue. Pour être complet il faut aussi mentionner le pinot gris de Gilg, d’une
part parce qu’il rassure sur la qualité de 2010 et d’autre part parce qu’il apporte la preuve qu’on peut encore faire bon et pas cher en Alsace.