Comme en 2011, je me suis octroyé quelques jours de liberté pour une virée en solitaire dans les vignobles du sud de la
France. Le programme de ce séjour comprend évidemment le passage obligé à Arboras chez les Supply-Royer et la halte ardéchoise pour quelques agapes dignement arrosées chez l’ami cyra, mais un
voyage dans ces contrées bénies par Bacchus offre évidemment bien d’autres possibilités de visite à des amateurs curieux et assoiffés comme moi…
C’est parti !
Mas de Cynanque à Cruzy
Avec un rendez-vous programmé pour à 9 heures du matin chez l’ami Dany Jaffuel qui habite près de Béziers, j’ai troqué mon
habituel point de chute camarguais contre un hôtel à Pezenas…des kilomètres en moins et du sommeil en plus !
D’ailleurs, grand bien m’en a pris car avec le programme prévu par notre spécialiste des terroirs languedociens pour cette
journée, il valait mieux être bien reposé.
Grâce à un guide attentionné, pétri de culture et profondément attaché à cette région, j’ai découvert avec grand plaisir les
magnifiques paysages de l’arrière-pays biterrois : j’ai été surpris par leur côté très montagneux qui par moments m’a même fait penser au massif vosgien.
Paysage du saint-chinianais.
Nous nous sommes arrêtés à plusieurs reprises au bord de la route pour nous délecter d’un point de vue ou pour étudier de plus
près les multiples configurations géologiques entre schistes et calcaires : des vagues minérales aux couleurs parfois surprenantes…
L’Orb avec le village de Roquebrun à l’arrière plan.
Volutes minérales au bord de la route.
Vue rapprochée du substrat géologique très complexe du terroir de Saint Chinian
Habituellement on distingue deux grandes familles géologiques au niveau des terroirs de Saint Chinian : les sols à dominante
schisteuse et les sols à dominante argilo-calcaire.
Après notre belle promenade dans le monde des ardoises nous entrons dans le secteur argilo-calcaire de l’appellation
Vers 11 heures nous arrivons près de Cruzy au Mas de Cynanque où Violaine et Xavier de Franssu nous attendent pour nous faire
visiter leur domaine.
Nous commençons par une promenade dans les vignes avec Xavier : la plupart des parcelles se situent autour de la maison.
Dany et Xavier sur une parcelle plus calcaire située sur une petite terrasse au dessus de la maison.
En arpentant ces rangs de vignes fraîchement labourés on se rend très vite compte du particularisme du Mas de Cynanque : le grès est omniprésent dans chaque
parcelle.
Mourvèdres, syrahs, grenaches, carignans…
…sur camaïeu de rouge.
Les 12 hectares de vignes presque d’un seul tenant sont travaillés dans le respect absolu des sols et de l’écosystème, les vendanges sont manuelles, les
vinifications et les élevages se font dans les chais nouvellement construits.
Les nouveaux locaux professionnels du domaine.
Vue sur une partie du nouveau chai : dans l’attente d’un agrandissement programmé prochainement, cuves, barriques et chaîne d’embouteillage
cohabitent encore un peu…
La dégustation a lieu dans le nouveau chai : « dans notre projet d’agrandissement nous prévoyons évidemment de réserver une place pour un
caveau de dégustation…mais pour l’heure, ce sera autour d’un tonneau ».
Peu importe, après cette visite passionnante dans ces vignes que j’ai trouvées très bien tenues je suis vraiment impatient d’en goûter la
production :
Cuvée Fleur de Cynanque - Saint Chinian rosé 2011 : le nez très aérien nous propose
de belles notes florales, la bouche est étonnante de vinosité mais l’ensemble reste très guilleret avec une finale fraîche mais dotée d’une persistance aromatique bien longue.
Je goûte toujours les rosés avec beaucoup de circonspection mais face à cette cuvée où le cinsault règne en maître (85% complété
par du grenache blanc et du grenache noir) je me laisse séduire sans résister…un très beau vin d’été que j’aurais bine envie de déguster sur un poisson grillé !
Cuvée Fleur de Cynanque - Saint Chinian rouge 2010 : le nez est charmeur sur un registre fruité très épanoui, la bouche est corsée,
dotée d’un beau volume, d’une structure tannique soyeuse et d’une finale fraîche et délicatement épicée.
Assemblage dominé par le carignan et complété par du grenache et de la syrah ce vin élevé en cuve assume son statut de vin-plaisir
tout en révélant une nature riche et une typicité bien marquée.
Tintamarre - VDP rouge 2011 : le nez s’ouvre sur des notes un peu amyliques avant de
laisser pointer un fruité très fin, la bouche est généreuse et gouleyante sur une matière très juteuse.
Cette cuvée 100% cinsault et 100% cuve, non pérenne au tarif du domaine, montre que le cinsault n’est pas qu’un cépage à rosé mais
qu’il peut être utilisé pour produire de très belles cuvées de rouges, simples mais vraiment très gourmandes.
Cuvée Plein Grès - Saint Chinian rouge 2008 : le nez est ouvert et complexe avec des notes
de cacao, de grillé, de fruits noirs et d’épices, la bouche allie volume et élégance avec une acidité large, une matière charnue et une présence tannique fine mais solide qui donne une très belle
tenue à la finale.
Ce premier assemblage des cépages rois au Mas de Cynanque (mourvèdre 30%, syrah 30%, grenache 30% et carignan pour le reste) dont
le nom fait clairement allusion à la nature du terroir, est un séducteur absolu : une palette épanouie et joliment typée et une impeccable tenue en bouche rendent ce vin carrément
irrésistible…MIAM !
Cuvée Acutum Saint Chianian rouge 2009 : le nez est très racé avec une palette sur les herbes de garrigue la réglisse et les épices, en bouche la vinosité est imposante mais un fruité pur et frais se développe peu à
peu pour apporter une touche vive et très juvénile à cette belle cuvée.
Cuvée Acutum - Saint Chinian rouge 2004 : le nez fait un peu penser à celui de Plein Grès
2008 mais avec un soupçon de complexité en plus (on y trouve notamment de belles notes de fleurs et de pâte d’amande), en bouche tout n’est qu’équilibre, élégance et finesse avec une finale d’une
étonnante fraîcheur…Grand vin !
Cette cuvée dominée par la syrah (65%) complétée par les 3 autres cépages du domaine (20% de mourvèdre, 10% de grenache, 10% de
carignan) dont une partie a été élevée en fûts (40%) nous montre ses deux visages à travers ces deux millésimes : fougueux et un peu démonstratif dans sa jeunesse ce vin se pose et gagne en
harmonie et en noblesse après quelques années de garde…Grand vin !
Les trois références suivantes sont un peu des vins d’avant-garde pour ce domaine : des cuvées mono-cépage élevées 100% en barriques avec comme objectif
affirmé, la recherche de l’expression maximale d’une parcelle.
Amicythia – Vin de pays 2010 : le nez est encore très discret mais d’une grande pureté, la
bouche est mûre, très concentrée mais la finale se montre bien franche avec une touche de fraîcheur agréable.
Ces grenaches sur terroir calcaires ont généré une cuvée d’une puissance un peu extrême (on approche des 16°…) mais c’est le choix
du vigneron « ce sont des cuvées un peu expérimentales, l’équilibre n’est pas forcément recherché… ». A l’heure actuelle, mon palais d’alsaco a quelques difficultés face à cette force
brute, mais il est évident que ce vin aura besoin de vieillir un peu pour se calmer...
Carissimo – Vin de pays 2010 : le nez est expressif, complexe et très élégant avec une
palette sur les fleurs et les fruits rouges mûrs, la bouche surprend par son attaque très fraîche avant de développer une matière volumineuse soutenue par une fine trame tannique, la finale
redevient plus pointue et offre une longue persistance aromatique.
Cette cuvée 100% carignan sur calcaire se montre beaucoup plus accessible que la précédente et ravit nos papilles par son registre
aromatique très gourmand, son équilibre tonique et sa texture superbement veloutée…MIAM !
Nominaris – Vin de pays 2009 : le nez est puissant et bien typé sud avec ses arômes de
fruits noirs confits, de réglisse, d’olives et d’épices, en bouche l’attaque est puissante, la structure laisse une belle impression sphérique qui s’étire un peu en finale, le retour aromatique
est bien long avec des notes réglissées et finement boisées.
Ce vin 100% syrah, élevé 2 ans en barriques me fait vraiment penser à la syrah de Pey-Cherres d’Eric Supply, tant par son registre
aromatique que par sa texture en bouche (c’est un compliment !). Mais attention, malgré son accessibilité actuelle je pense qu’il faut considérer cette cuvée comme un grand vin de garde.
Patience…
L’heure de l’apéritif ayant sonné depuis quelques temps, nous passons donc aux cuvées blanches produites au Mas de Cynanque :
Althea – Saint Chinian blanc 2010 : le nez est très flatteur avec des notes florales et
légèrement anisées sur fond de bonbon acidulé, en bouche l’attaque est vive, et tendue, le milieu ample et gras, la finale est marquée par de belles notes d’abricot et par une forte
salinité.
Althea – Saint Chinian blanc 2007 : le nez s’est libéré des notes un peu amyliques
ressenties sur la cuvée 2010 pour nous régaler avec une palette florale, anisée et délicatement miellée, en bouche l’élégance est au rendez-vous, le gras reste bien présent mais l’équilibre se
construit autour d’une salinité finale qui a gagné en puissance.
Assemblage de vermentino et de grenache blanc complété par un peu de grenache gris, cette cuvée allie une matière riche très
sudiste et une trame saline qu’on a plutôt tendance à identifier sur des cuvées plus septentrionales…le grès peut-être ?
En tous cas, le vin jeune propose une matière très gourmande qui se déguste avec bonheur dès aujourd’hui mais la cuvée 2007 montre
qu’il n’est pas inintéressant de garder quelques bouteilles pour laisser davantage parler le terroir, qui mérite largement qu’on lui donne la parole…
Hesperides 2010 : le nez est intense et complexe sur les agrumes très mûrs et le miel de
sapin, en bouche l’attaque est franche et bien moelleuse, le milieu développe une aromatique très « pâtissière » (citron confit, vanille, caramel, biscuit) et la finale laisse parsister
des arômes d’agrumes et de tabac soutenus par une touche saline très raffinée.
Cette cuvée originale est un assemblage de grenaches gris et blancs laissés sur pied après les vendanges et ramassés début
novembre. La palette est d’une grande richesse et la matière très généreuse reste cependant très digeste grâce à la pointe minérale qui marque la finale…Très beau vin !
- Malgré un soleil un peu parcimonieux, cette première incursion dans le saint-chinianais en compagnie de Dany Jaffuel m’a
vraiment comblé : j’ai découvert des paysages magnifiques, j’ai rencontré des gens absolument charmants et j’ai bu des vins délicieux…que demander de
plus !
Il faut dire que mon guide du jour avait organisé cette visite avec une minutie tout à fait « chirurgicale ».
Encore une fois, mille mercis à lui…et à charge de revanche !
- Violaine et Xavier de Fransuu ne sont pas des autochtones mais ils ont choisi ce coin de Languedoc comme terre
d’adoption pour donner corps à un rêve partagé. Après avoir travaillé dans un domaine des Costières de Nîmes, le Château d’Or et de Gueules, ils se sont installés dans ce mas entouré de vignes et
de garrigue pour vivre pleinement leur passion commune pour le vin.
Grâce à une viticulture exigeante et respectueuse de la nature (conversion bio en cours), leurs parcelles de vignes sont
d’une émouvante beauté. Les installations professionnelles sont modernes et fonctionnelles et le dernier agrandissement prévu qui va donner un peu d’espace supplémentaire rendra l’outil de
production tout à fait performant. Ces jeunes vignerons du mas de Cynanque mettent tout œuvre pour réaliser les vins qu’ils aiment et qui leur ressemblent peut-être un
peu…
- Les vins dégustés laissent une belle impression d’authenticité en donnent une interprétation très précise de ces
terroirs calcaires et gréseux d’où ils sont issus. Les matières sont très méridionales par leur concentration et leur volume, mais les équilibres restent gourmands et digestes, grâce à un
marquage minéral parfois très puissant.
Ces vins pleins de soleil et de pierre qui glissent avec une grande facilité sans fatiguer le palais nous feraient presque
oublier qu’ils peuvent tous encore se bonifier avec un peu de garde...Quelle belle série !
- Difficile de sortir un vin dans cette gamme très homogène et hautement qualitative : Plein Grès séduit par son
fruit et son accessibilité, Acutum a vraiment tout d’un grand vin, Carissimo est tout simplement exceptionnel…et même les blancs sont étonnants !
- Mille mercis à Xavier et Violaine pour ces moments très agréables passés en leur compagnie. A bientôt
j’espère…