Avec l’âge, je me rends compte que j’aime de plus en plus ces habitudes qui ponctuent le cours du temps en me donnant la
trompeuse impression d’un défilement un peu moins rapide des années.
Depuis près de deux décennies, ce périple bourguignon fait partie des virgules temporelles indispensables à mon
bien-être : ces quelques jours dans le vignoble de la Côte d’Or me permettent d’envisager la fin de mes vacances estivales avec sérénité, gonflé d’une énergie positive nécessaire pour
entamer cette nouvelle année scolaire.
Comme nos deux jeunes membres du club A.O.C. qui nous avaient accompagnés en 2011 étaient retenus en Alsace pour des
raisons familiales ou professionnelles, nous voilà « on the road again » dans notre formation habituelle : en duo avec Martial, l’inventeur du béton au riesling.
Le programme de cette année est assez conséquent : trois étapes traditionnelles – Murat, Carillon et Castagnier – et trois nouvelles adresses – Carré, Rion et Chicotot.
Hoppla c’est parti !
Jour 2. : domaine Georges Chicotot à
Nuits
L’avant dernière halte de ce périple nous conduit également vers une nouvelle adresse située en plein centre du village de Nuits : le domaine Georges
Chicotot. Là aussi la lecture de quelques articles élogieux dans les guides viniques ou dans la blogosphère œnophile a attisé ma curiosité et m’a conduit à demander un rendez-vous chez ces
vignerons pour pouvoir me faire ma propre idée sur le sujet.
Après un repas de midi bien arrosé…surtout par l’orage qui menaçait
depuis le début de la matinée, nous nous rendons donc au domaine Chicotot pour notre avant dernière visite bourguignonne.
L’entrée du domaine Chicotot
Nous sommes accueillis par madame Chicotot, actuellement en charge des
vinifications au domaine. Elle nous invite sans tarder à la suivre dans les profondeurs de la cave où séjournent les cuvées du millésime 2011.
Un long escalier mène à une cave d’une profondeur assez
inhabituelle en Bourgogne
Originaire de Riquewihr, cette bourguignonne d’adoption nous présente sans langue de bois ses
convictions sur son métier de vigneronne et sa façon de concevoir ses vins, avant de nous inviter pour des travaux pratiques le verre à la main face aux cuvées 2011 encore en cours d’élevage.
Bourgogne Pinot Noir : le nez très discret semble un peu brouillé mais la bouche nous régale avec une superbe matière charnue
et profondément fruitée.
Des parcelles de vieilles vignes situées dans le secteur de Prémeaux qui produisent naturellement un petit volume (40 hl/ha) sont à l’origine de ce vin très
concentré dégusté alors que la malo était encore en cours. Certes l’olfaction n’est pas très expressive mais la bouche révèle un vrai potentiel…voilà un générique qui met la barre qualitative
déjà bien haut. Vivement la suite !
Nuits Saint Georges Les Charmottes : comme la cuvée précédente, le nez de ce vin est marqué par la malo, mais la
bouche séduit sans réserve par sa matière juteuse et sa trame tannique très fine.
Issu d’un lieu-dit situé à la limite entre Nuits et Vosne, ce vin est encore en gestation mais sa présence en bouche est déjà de toute beauté…attention, superbe
cuvée en vue !
Dégustation de cuvées en cours d’élevage avec Mme
Chicotot
Nuits Saint Georges Les Plantes au Baron : le nez est discret mais un peu moins marqué que les cuvées précédentes,
la bouche possède une structure plus ferme, la matière est encore un peu anguleuse mais donne une belle impression de puissance, en finale se révèlent de subtiles évocations épicées.
Comme nous le dit Mme Chicotot, « Cette parcelle située sous Les Saint Georges produit régulièrement des vins qui se comportent comme un premier cru ».
La dégustation confirme effectivement cette assertion : malgré une malo en cours, la bouche donne une impression de puissance et de profondeur qui ne trompe
pas.
Nuits Saint Georges 1°Cru Les Rues de
Chaux : le nez est timide mais le fruité commence à se dessiner, la bouche est corsée avec une charpente solide et une finale où on ressent une présence minérale
accompagnée par quelques notes épicées.
Ce premier cru qui jouxte le village de Nuits côté sud, est un peu plus avancé dans son évolution (fin de malo) et commence à montrer une présence aromatique
gourmande mais son corps particulièrement solide et volumineux ne laisse aucun doute sur la noblesse de son origine.
Nuits Saint Georges 1°Cru Les Saint Georges : au nez le côté empyreumatique et minéral (fumée, poudre à canon et
silex) domine encore l’expression fruitée, en bouche on sent un très léger CO2 mais cette matière est d’une richesse et d’un équilibre qui frisent la perfection.
Issu d’une vigne plantée en 1942 ce Nuits d’une beauté confondante est une réussite absolue…pour moi c’est l’un des plus grands vins rouges que j’ai dégusté
durant ce périple !
Je veux le même dans ma cave… !
Nuits Saint Georges 1°Cru Les Vaucrains : le nez ressemble à celui du Saint Georges avec un soupçon d’élégance en
moins, la bouche est plus massive, très puissante et terminant sur une grande longueur aromatique.
Egalement âgées de 70 ans les vignes de cette parcelle de premier cru ont produit un vin corpulent et racé qui affirme déjà son très grand potentiel de
garde.
Nous passons à quelques cuvées en bouteilles figurant au tarif actuel du domaine :
Ladoix 2009 : le nez ouvert et charmeur flatte les sens par des arômes très élégants de prune et de fleurs, la bouche
est douce et soyeuse, la finale revient longuement sur les évocations florales perçues à l’olfaction.
Issu d’une vigne en métayage, cet intrus dans la gamme nuitonne du domaine assume pleinement son identité plus beaunoise en flattant nos papilles pas sa texture
caressante et sa jolie palette aromatique…une petite friandise !
Nuits Saint Georges Les Charmottes
2010 : le fruit commence à s’exprimer au nez, en bouche, après une attaque tout en souplesse, le vin se montre davantage avec un beau développement aromatique, une matière
généreuse et une tension palpable qui tient bien la finale en laissant une belle impression de fraîcheur.
Avec son olfaction qui commence à s’ouvrir et sa structure en bouche dense et onctueuse, ce vin commence à peine à parler…mais on sent qu’il va avoir beaucoup de
choses à dire dans les années qui viennent !
Nuits Saint Georges 1°Cru Les Rues de Chaux 2010 : le nez est encore un peu plus discret que le précédent mais la
bouche en impose vraiment avec sa matière ample et concentrée et sa finale bien nette où pointent de très belles notes minérales.
Le marquage minéral du terroir commence à s’affirmer sur une matière bien mûre : à garder un peu mais déjà fort agréable à boire.
Nuits Saint Georges 1°Cru Les Saint Georges 2010 : le nez est très intense sur la framboise et la groseille bien
mûre, la bouche est simplement magnifique, ample, sphérique avec des arômes très purs et très puissants de fruits rouges confits, la finale est nette, précise avec une jolie pointe acidulée.
Cette cuvée égrappée à 100% est présentée comme étant un peu atypique pour un premier cru Saint Georges mais pour moi ce fut un bonheur absolu…j’ai failli me
mettre à genoux, c’est dire !
Pour mettre un point final à cette jolie série notre hôtesse nous présente un vin mystère dans une bouteille couverte de poussière : le nez est délicat et complexe avec un registre floral
très fin, la bouche est élégante avec une structure en demi-corps mais une belle énergie, la finale est longue et minérale.
Après les deux cuvées précédentes ce vin paraît plus léger avec sa silhouette très longiligne mai son énergie très juvénile et sa jolie complexité révèle une
belle origine…Je suggère timidement un premier cru de Nuits d’une dizaine d’années : au vu de la production du domaine Chicotot, je n’ai eu que très peu de mérite à deviner le type de vin
mais pour le millésime je me suis juste trompé de 35 années car il s’agissait d’un Nuits Saint Georges 1°Cru Les Vaucrains
1967
Décidément, je n’y arriverai jamais !
La bouteille mystère du domaine Chicotot.
Georges Chicotot et son épouse incarnent la huitième
génération de vignerons à la tête de ce domaine bourguignon de 7 hectares et depuis l’année 2011 la relève se prépare avec l’arrivée au domaine de leur fils Clément.
Avec des parcelles de vieilles vignes situées dans les secteurs les plus qualitatifs de Nuits et le choix de pratiques très traditionnelles en cave, ces vignerons produisent des vins pleins et
typés qui se présentent de façon toujours très avenante à la dégustation.
Pascale Chicotot assume des choix très radicaux en terme de vinification : profitant de l’inertie thermique des caves profondément enterrées (13° en permanence) elle a choisi de laisser les
différentes cuvées vivre leur vie à leur rythme avec un minimum d’interventions : « les jus sont entonnés par gravité puis ils restent sur leurs lies sans triturage le temps qu’il
faut ». Les fermentations sont très lentes (c’est vrai que des malos en cours fin août ce n’est pas très courant) mais cette lenteur laisse aux vins le temps de se stabiliser naturellement
ce qui permet une réduction des intrants en particulier du SO2 : « En principe, au bout de 2 ans de garde on relève moins de 8 mg de SO2 libre dans nos vins ».
Ces pratiques très « naturelles » sont rendues possibles car le domaine Chicotot ne travaille que très peu à l’export : « 87% de notre production est vendue au domaine à une
clientèle particulière ».
Personnellement j’ai été conquis par l’homogénéité qualitative des vins de ce domaine et, comme je l’ai déjà laissé entendre dans mes commentaires de dégustation, certaines cuvées de Nuits m’ont
littéralement subjugué par leur plénitude et leur gourmandise véritablement exceptionnelles.
Un très bel accueil dans une cave qui respire la tradition, une vigneronne passionnée par son métier et des vins superbes…bref, voilà une adresse qui répond à tout ce qu’un amateur
bourguignophile de mon acabit recherche durant son périple.
J’ai comme l’impression que je vais souvent aller trainer du côté de Nuits dans les prochaines années.