La virée beaujolaise 2010 ayant tenu toutes ses promesses, j’ai donc décidé de reconduire cette expérience en
2011.
Cette année cependant mes contraintes familiales ne me permettent plus d’envisager des plages de liberté totale en dehors des congés
scolaires, ce sera donc pendant les vacances de la Toussaint (je sais, il faut dire « d’automne ») que j’irai me promener sur les routes qui serpentent entre les collines de Belleville
à Mâcon à la recherche de quelques bonnes quilles à encaver pour l’hiver.
Sur les routes sinueuses du Beaujolais en automne…c’est pas beau ça !
Hélas, mes habituels copilotes m’ont fait faux bond cette fois-ci…qu’à cela ne tienne, le « poor lonesome alsacow-boy » ira se
rincer le gosier tout seul.
Hoppla, c’est parti !
Jour 2. : nouvelle visite au domaine de la
Soufrandière
Depuis quelques années l’étape de la Soufrandière s’est imposée à moi comme une visite incontournable dans le vignoble mâconnais.
Aussi, avant de remonter vers l’Alsace je fais mon habituel crochet par Vinzelles où j’ai rendez-vous avec Jean-Guillaume Bret.
Comme le sommelier canadien qui est attendu au domaine en même temps que moi, a visiblement quelques difficultés pour trouver son
chemin, j’ai le temps de faire un tour complet des nouvelles installations de cave, avec un vigneron soulagé de voir la fin de ce grand chantier.
Avec cette nouvelle construction, la superficie des caves à quasiment doublé et va permettre aux frères Bret de travailler dans
des espaces moins exigus où ils pourront concrétiser quelques projets qui leur tiennent à cœur :
1. élever plus longuement certaines cuvées pour éviter des filtrations. Sur 2010 cet élevage rallongé est
appliqué aux cuvées les Longeays et les Quarts sur Pouilly Vinzelles et au Pouilly Fuissé En Carementrant…verdict, l’année prochaine.
Les contenants inox où les Longeays, les Quarts et
Carementrant peaufinent leurs matières.
2. augmenter la production pour
arriver à 100000 bouteilles par millésime et profiter de l’espace disponible pour laisser vieillir certaines cuvées en bouteilles (40000) avant de les
commercialiser.
Le nouvel espace de stockage où on respire
enfin…
3. créer une vraie vinothèque où seront conservés des échantillons de toutes les cuvées produites au domaine
depuis 2000.
En ce qui concerne le millésime 2011, Jean-Guillaume ne cache pas son enthousiasme « des rendements historiques…55hl/ha, ça fait 10 de plus que la moyenne habituelle, avec une vendange de qualité irréprochable : un état sanitaire parfait, une belle richesse naturelle (13° en moyenne, aucune chaptalisation ne sera nécessaire) et des acidités impeccables qui laissent prévoir des pH entre 3 et 3,2 au niveau des vins finis »
Grande année en perspective chez les
« Brothers » !
Après cette visite approfondie et fort intéressante nous nous retrouvons le verre à la
main, en compagnie du sommelier d’outre atlantique, pour une petite dégustation bilingue :
Mâcon Chardonnay 2010 : le nez est discret mais joliment typé avec des notes florales
et crayeuses, la bouche est vive et citronnée avec une finale fraîche où pointent de beaux amers.
Cette nouvelle cuvée provient d’une vigne située sur le ban du village de Chardonnay. Elle a été élevée pour 90% en cuves et pour
10% en fûts de chêne et se goûte aujourd’hui avec facilité et gourmandise…un vrai vin plaisir !
Viré-Clessé Sous les Plantes 2010 : le nez possède un fruité discret agrémenté d’une
touche de vanille, l’attaque en bouche est pointue, puis l’acidité s’élargit en soutenant une palette aromatique citronnée et minérale qui s’allonge en finale.
Le terroir limono-argilo-calcaire de Viré marque l’olfaction et la structure de façon déjà bien nette dans cette cuvée élevée en
demi-muids et en pièces…Un vin déjà accessible mais sûrement pas à son apogée, l’amateur patient sera comblé !
Mâcon Cruzille Clos des Vignes du Mayne 2010 : le nez est mûr et profond avec des
arômes de fruits blancs et une belle touche minérale, la bouche s’ouvre sur une acidité très pénétrante qui s’assouplit progressivement pour laisser une très belle sensation de plénitude en
finale.
D’après Jean-Guillaume, cette parcelle appartient au plus ancien vigneron bio de la région, aujourd’hui elle est travaillée en
agriculture biodynamique. Ce terroir argilo-calcaire très tardif a produit en 2010 un vin droit et profondément minéral qui pourra étonner bien plus d’un buveur d’étiquette parce qu’il se hisse à
un niveau peu courant sur cette appellation.
Pouilly Fuissé Le Clos Reyssié 2010 : le nez est mûr et complexe sur le miel de
fleurs, les épices douces et une fine touche vanillée, la bouche est ample et généreuse, l’acidité est bien large, la longue finale revient sur des arômes délicatement épicés.
Cette parcelle de vieilles vignes sur la commune de Chaintré possède un terroir avec des sols plus profonds et révèle très propice
au développement du botrytis. Les vins qui y naissent sont flatteurs, gourmands et assez faciles d’accès dans leur jeunesse : ce 2010 ne fait pas exception car il est d’une suavité presque
irrésistible…MIAM !
Pouilly Fuissé La Roche 2010 : le nez est profond et minéral (pierre chaude, silex), la
bouche est vive et très tendue avec cette minéralité intense qui vibre longuement en finale.
Sur cette parcelle de vieilles vignes sous la roche de Vergisson naît un vin dont l’expression est diamétralement opposée au
précédent : après l’exubérance et la gourmandise voici l’élégance monacale de la pierre !
A l’aveugle, je suis pratiquement sûr de partir vers Puligny. Très grand vin !
Pouilly Fuissé Le Clos
Reyssié 2008 : le nez est flatteur et engageant sur le miel et les fruits jaunes mûrs, la bouche est ronde, équilibrée avec une palette gustative très suave et une finale sur
le raisin sec et les épices douces.
Après 2 années de garde l’esprit de cette cuvée se définit avec davantage de précision : opulent mais sans tomber dans la
lourdeur, ce vin reste dans sa trajectoire de séducteur impénitent.
La marque du botrytis est sensible en finale (25% de la vendange sur le Clos en 2008) mais elle s’intègre parfaitement dans
l’esprit de la cuvée en apportant une touche de raffinement supplémentaire dans la palette aromatique. Etonnant !
Pouilly Fuissé La Roche 2008 : le nez est fin et racé sur le beurre et la craie humide, la
bouche possède un équilibre tonique et minéral avec une grande profondeur, la présence finale est longue et intense avec quelques notes boisées très subtiles.
Sur ce 2008 superbe de droiture et de densité les promesses entrevues avec la cuvée 2010 se concrétisent de façon éclatante…on est
encore plus près des grands blancs de la Côte de Beaune. Superbe !
La dégustation se fait au chai au milieu des jus de 2011 en pièces de chêne et en cuves.
Pour les vins 2010
estampillés La Soufrandière, les Pouilly-Vinzelles Les Longeays et Les Quarts séjournent encore en cuve jusqu’en février-mars, il n’y a
que la cuvée des jeunes vignes en bouteilles et prête à être dégustée :
Pouilly Vinzelles 2010 : le nez est pur et expressif sur les fruits blancs, en bouche, la
minéralité longue et profonde s’impose dès l’attaque et résonne avec une matière riche et bien fruitée, la finale est très longue et toujours très minérale.
Les jeunes vignes plantées sur ce magnifique terroir des Quarts à Vinzelles produisent des cuvée d’une qualité impeccable avec une
constance qui force l’admiration… ceci dit, cette régularité est moins étonnante lorsqu’on sait que sur cette « jeune vigne » certains pieds dépassent allègrement les 40 ans, comme quoi
les mentions sur l’âge des vignes peuvent vraiment être relativisées…et dans les 2 sens !
Midi étant passé depuis bien longtemps, il faut songer à terminer cette dégustation et pour clore cette série en beauté notre hôte nous propose de déguster deux
millésimes plus anciens :
Pouilly Loché Les Mûres 2007 : le nez est expressif et épanoui sur les fruits blancs et la
craie, la bouche est d’un abord facile et agréable avec un équilibre qui reste bien vif et une finale où se manifestent de fines notes épicées.
Hélas plus connue pour sa gare TGV que pour son vignoble, Loché recèle pourtant quelques terroirs exceptionnels dont celui des
Mûres, où les frère Bret produisent une très belle cuvée. Après quelques années de garde, ce Pouilly Loché s’offre à nous avec beaucoup de spontanéité, coulant et richement aromatique…un
régal !
Saint Véran En Combe 2005 : le nez est resté discret mais révèle une grande
complexité aromatique, la bouche est sublime de précision et de profondeur, la palette est raffinée et la minéralité très présente confère un caractère très grenu au toucher tout en soutenant une
finale très longue et bien fraîche.
« Contrairement à ce qu’on peut penser, 2005 ne fut pas un millésime facile chez nous…les vins jeunes ne se goûtaient pas
très bien mais en ce moment, ils commencent à s’ouvrir », nous confie Jean-Guillaume.
Je n’ai pas dégusté les 2005 dans leur jeunesse, mais là je me retrouve devant un très grand vin à qui semble encore loin d’avoir
épuisé ses ressources. Superbe !
Bien évidemment, après une cinquième visite
au domaine de la Soufrandière, il ne me reste plus trop d’éléments originaux à évoquer pour meubler ce traditionnel paragraphe de conclusion. En plus, maintenant que les travaux sont achevés, on
pourrait craindre que le foisonnant esprit d’entreprise des 3 frères Bret se mette en « stand by » pour quelques temps.
Mais pour tout vous dire, ce n’est pas l’impression que j’ai eue lors de ma discussion avec Jean-Guillaume : ces
nouveaux espaces semblent avoir engendré plein de nouvelles idées…Incorrigibles, vous dis-je !
La vinothèque, indispensable mémoire du domaine, est en cours de réalisation et l’acquisition d’un nouveau pressoir
vertical est sérieusement envisagée après une expérimentation concluante sur les vins de 2011. En effet les analyses chimiques comparatives de jus issus de 2 types de pressoirs (l’un classique à
membrane et l’autre de style champenois) ont montré que le pressurage vertical permettait de conserver davantage d’acidité dans les jus « ce qui nous intéresse au plus haut point pour
l’équilibre de nos cuvées, mais hélas cet outil reste très cher… ».
Je peux donc repartir l’âme en paix : la belle histoire du domaine continue de s’écrire avec cette inextinguible
recherche de perfection dans l’élaboration des vins.
Les vins de 2010 sont droits et purs avec déjà une belle complexité dans la diversité de leurs expressions
aromatiques : la dégustation en parallèle du Clos Reyssie et de La Roche est une expérience édifiante à ce sujet.
A part ça, le millésime 2011 s’annonce très grand et les projets continuent de foisonner à la Soufrandière…bref, je sens
qu’il va encore y avoir des choses à découvrir l’année prochaine !
L’entrée des caves du domaine : en 2010 il y avait un énorme
trou à cet endroit…ça sent la fin du chantier