En ce premier samedi du printemps la famille Kreydenweiss a décidé d’ouvrir les portes du domaine aux œnophiles pour une visite
guidée de leurs installations et une dégustation élargie de leur production alsacienne et méridionale. Comme d’habitude, j’ai encore pas mal du jongler avec mon emploi du temps pour trouver un
petit créneau de liberté…mais bon, Andlau n’est qu’à une petite demi-heure de Strasbourg et le nom de Kreydenweiss sonne aux oreilles de tout amateur de vin d’Alsace comme une référence
pratiquement incontournable…c’est reparti pour un tour !
Au dessus d’Andlau, le moine du Moenchberg nous salue…derrière lui les deux autres Grands Crus du village, le Wiebelsberg à droite et le
Kastelberg à gauche
Le domaine Kreydenweiss se trouve en face de la basilique Saint Pierre et Saint Paul, c’est un ensemble complexe de bâtiments traditionnels, adossé au coteau du
Kastelberg juste au bord de la rivière Andlau, qui descend du massif vosgien vers la plaine du Rhin…un emplacement déjà symbolique en quelque sorte !
A l’arrière du domaine Kreydenweiss, l’Andlau et la partie ouest du Kastelberg
La visite commence par la cave où les vins de 2010 reposent dans des foudres fraîchement traités à l’huile de lin : ici on est resté fidèle à la tradition des
contenants en bois « l’inox est certes plus pratique à l’entretien mais lorsqu’on hérite d’une cuverie bois, ce n’est pas évident de changer, ceci dit, je pense que les vins
évoluent plus harmonieusement dans des foudres » me confiera Antoine Kreydenweiss.
La cave du domaine avec d’anciens foudres fraîchement huilés et une série de foudres neufs fabriqués sur mesure par un tonnelier
local.
Détail du pilier en grés de la cave : il date du XII° siècle et serait le seul vestige restant de la chapelle du
Kastelberg.
Le passage par la cave nous donne l’occasion de déguster 2 vins du dernier millésime : Pinot Gris Clos
Rebberg 2010 et Riesling Andlau 2010.
Les 2 cuvées sont encore en cours de fermentation mais on peut d’ores et déjà apprécier leurs matières riches, équilibrées par une acidité longiligne et très
profonde…on pourrait presque y déceler l’esprit des 2008, en tous cas, ils feront de très beaux vins.
Moi qui attendais un millésime moyen pour désengorger les rayons de ma collection alsacienne…je sens que ce ne sera pas pour cette année !
La visite du stockage bouteilles nous permet d’admirer les œuvres originales qui ont illustré les étiquettes de chaque millésime du domaine depuis 1984 : une
belle preuve de confiance dans la qualité de ces crus estampillés dans l’esprit de Mouton-Rothschild !
Une petite partie de la collection avec la série d’étiquettes de 1996 à 1992
De retour dans la cour, sous la tonnelle, la gamme complète des bouteilles au tarif actuel du domaine est proposée à la dégustation. Le temps commence à manquer un peu et mon aptitude à déguster correctement un grand nombre de vins reste toujours aussi limitée…de plus, la visite prévoit une ultime étape dans la salle de dégustation en compagnie de vieux millésimes, je suis contraint de limiter mon choix à quelques références. Parmi les vins goûtés j’ai beaucoup apprécié :
- le Riesling Andlau 2009 : issu des terroirs gréseux autour d’Andlau ce vin séduit
par sa grande gourmandise aromatique et son équilibre frais et tonique.
- le Pinot Blanc La Fontaine aux Enfants 2008 : provenant d’une parcelle granitique
au dessus du Kastelberg, cet assemblage à parts égales d’auxerrois et de pinot blanc se présente comme un très beau vin de terroir avec une olfaction très aérienne, florale et
discrètement mentholée et une présence en bouche charnue et profondément minérale.
- le Riesling GC Wiebelsberg 2008 : le grand cru gréseux d’Andlau s’offre à nous tout
en élégance et en distinction avec son nez frais et délicatement floral, sa structure finement ciselée et sa belle présence saline en finale.
- le Riesling GC Kastelberg 2008 : ce terroir unique de schistes de Steige a produit
sur ce millésime un vin d’anthologie ; même si le nez reste encore un peu fermé, la présence en bouche est exceptionnelle, faite d’une matière puissante avec une acidité profonde et une
minéralité vibrante qui laisse une légère sensation tannique en finale.
- le Pinot Gris Moenchberg 2009 : ce grand cru marno-calcaire, que le domaine réserve
exclusivement au pinot gris a produit en 2009, un vin très gourmand et déjà bien ouvert avec des notes fruitées et légèrement miellées au nez et une matière concentrée mais bien équilibrée en
bouche.
La triplette de Grands Crus du domaine.
La fin de la visite se passe à l’étage dans un espace moderne et lumineux avec une grande baie vitrée qui donne sur le coteau du Kastelberg et une bonne
dizaine de « trouvailles » sorties de la réserve du domaine proposées à la dégustation…comment résister !
Parmi les vins goûtés j’ai beaucoup apprécié :
- le Riesling Clos Rebberg 2000 : encore un riesling sur schistes (des schistes gris
de Villé pour cette cuvée) qui manifeste sa minéralité par des notes terpéniques très fines à côté d’un fruit encore bien frais, la bouche est équilibrée et parfaitement en place.
- le Riesling GC Wiebelsberg 1998 : le nez est fin et racé avec sa palette complexe
sur les agrumes et les épices douces, la bouche est d’une pureté cristalline avec une finale équilibrée mais tonique.
- le Riesling GC Kastelberg 2003 : le millésime signe la palette avec de belles notes
d’agrumes confits et d’épices (cannelle, girofle), la bouche est généreuse avec beaucoup de gras et une jolie rondeur, il faut attendre la finale pour entendre le message du terroir et ressentir
la puissante minéralité qui tend la structure.
Là il est vraiment l’heure de partir…mais un dernier traquenard m’attend à la sortie : les vins méridionaux du domaine.
Je connais un peu ces vins et notamment Ansata que je goûte depuis quelques années lorsque je suis en vacances du côté de Port Camargue et
de sa maison des vins. « Oui mais il y a de nouvelles cuvées qu’il faut absolument déguster » me répond Antoine Kreydenweiss.
J’aurais essayé de résister mais bon, une fois de plus je me laisse faire…il y a des moments où je suis d’une faiblesse navrante :
- KA 2009 : des carignans centenaires ont produit cette cuvée d’une gourmandise
absolue avec un fruité intense et une chair suave et goûteuse en bouche, en plus, la longueur finale est surprenante…cela aurait été dommage de passer à côté de ça !
- Châteauneuf du Pape 2007 : le nez est charmeur et déjà bien épanoui sur les fruits noirs et
les épices, la bouche est savoureuse, parfaitement équilibrée et avec une belle persistance aromatique. C’est un vin issu de raisins centenaires (surtout des grenaches) cultivés en bio-dynamie
sur un terroir plutôt sablonneux…une vraie réussite et une belle découverte !
Pour conclure :
- Je n’avais jamais eu l’occasion de faire une visite au domaine Kreydenweiss même si je connais et apprécie leurs vins
depuis bien longtemps... cette première journée portes ouvertes tombait à point nommé pour combler cette impardonnable lacune. Malgré certaines contraintes de temps qui m’ont obligé à faire mon
tour au pas de charge, j’ai quand même pu apprécier pleinement la qualité de l’organisation, la disponibilité et la gentillesse d’Antoine Kreydenweiss et de son équipe et surtout les grands vins
proposés généreusement à la dégustation…mille merci à tous !
- L’esprit des vins du domaine est marqué par la pureté et la fidélité aux terroirs : la profonde minéralité de ces
sols gréseux ou schisteux est toujours mise en avant et confère des personnalités uniques et authentiques à toutes les cuvées. Ici, la culture biodynamique n’est pas qu’un choix idéologique mais
une condition fondamentale pour permettre aux raisins et aux vins de transmettre le plus précisément possible le message du terroir.
- Pour les coups de cœurs personnels, j’ai été particulièrement sensible à la qualité exceptionnelle du pinot blanc de
« La Fontaine aux Enfants », un vrai grand vin de terroir et, au risque d’énoncer une banalité, je suis resté bouche bée devant la grandeur du riesling Kastelberg 2008…la comparaison de
ce Grand Cru avec le prestigieux Montrachet n’a peut-être jamais été aussi légitime…
Le Kastelberg vu du village