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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 18:24

 

Le soleil brille sur la capitale alsacienne, les températures sont estivales et le quartier de la cathédrale est envahi de touristes comme en plein mois d’août mais, malgré cette ambiance vacancière, quelques amateurs de vins ont choisi de se retrouver dans la salle de dégustation située à l’étage de la maison Wolfberger de Strasbourg pour suivre une nouvelle leçon de savoir-boire auprès de Thierry Meyer.

 

CIMG4118Effervescence presque estivale dans la rue des Orfèvres à Strasbourg…

 
CIMG4120…où se trouve l’antenne strasbourgeoise de la maison Wolfberger

 

Dans ce nouvel espace, plus petit et un peu moins bien équipé que l’amphithéâtre colmarien, nous ne sommes hélas que 7 dégustateurs présents pour assister à cette Masterclass délocalisée à Strasbourg pour la première fois…et peut-être la dernière, vu le nombre de participants !
 

CIMG4121Elle est pourtant fort accueillante cette salle de dégustation… !

 

 

 

Au programme du jour, deux thèmes très originaux :

·    A quel âge faut-il boire le muscat ?
·    Les vins d’Alsace sont-ils compétitifs dans le monde des vins moelleux français ?

Hoppla jetzt geht’s loos !


Masterclass Alsace du 28 avril 2012 à Strasbourg

Tous les vins sont dégustés et commentés à l’aveugle – verres INAO


Thème 1 : le muscat face au temps.

Muscat Les 3 Demoiselles 2011 – M. Pfister à Dahlenheim : le nez d’intensité moyenne est encore marqué par sa jeunesse avec des notes amyliques (bonbon) et fermentaires (mie de pain), la bouche flatte par sa belle rondeur et son équilibre, la finale manque un peu de profondeur mais possède un petit caractère minéral fort agréable.
Muscat 2010 – Domaine Weinbach à Kaysersberg : le nez est très discret mais d’une grande pureté sur un registre floral assez complexe, la bouche est droite, ample, la finale légèrement amère possède une longueur aromatique intéressante.
Cépage et millésime impriment leur marque sur ces deux muscats forts différents mais très plaisants. Le 2011, tiré sur cuve le matin à Dahlenheim, se montre très prometteur, séduisant malgré son caractère encore très primeur, le 2010 tendu et très pur avec une aromatique bien complexe fait déjà rêver à de beaux accords gastronomiques.

Muscat 2008 – Domaine Schoech à Ammerschwihr : le nez est intense et expressif avec une palette riche sur les herbes aromatiques (estragon), le buis et la feuille de cassis, en bouche, il y a de l’ampleur, une acidité bien large et un joli développement aromatique qui laisse un sillage persistant en finale malgré une matière qui va rapidement perdre sa tenue.
Muscat G.C. Kirchberg de Barr 2008 – Domaine Klipfel à Barr : le nez est plus discret sur un registre floral bien complexe et quelques notes d’agrumes, la bouche est riche et charnue, l’équilibre très rond et la finale qui manque un peu de tonus confirme ce caractère un poil trop mou pour mon goût.
Récolté en grande partie sur le coteau granitique du Sonnnenberg le muscat de Schoech est frais et relativement bien structuré mais le caractère aromatique particulier, qui révèle peut-être une maturité un peu juste, peut surprendre…moi j’ai bien accroché ! A l’inverse le Grand Cru possède une olfaction plus mûre et plus classique mais souffre d’un manque de nervosité en bouche…néanmoins il garde un beau potentiel de séduction.

Muscat Collection 2007 – Domaine Kuentz-Bas à Husseren les Châteaux : le nez est discret avec une palette végétale d’une belle finesse complétée par des notes de citron et un léger grillé, la bouche ample et la matière très souple donnent un aspect très rondouillard au milieu de bouche, la finale est un peu plus nerveuse et d’une jolie longueur, discrètement poivrée et minérale
Muscat Cuvée du Banni 2005 – Domaine Fritsch à Marlenheim : le nez est fin, complexe et très pur, sur la menthe sèche, le citron, les herbes à tisane et le raisin mûr, la bouche est très bien équilibrée, charnue et très gourmande avec une finale longue et aérienne rafraîchie par une délicate touche mentholée.
Les vignes en lyre sur le calcaire du Steinklotz ont permis à Romain Fritsch de réussir un superbe muscat qui aura très bien résisté dans le temps en gagnant en complexité tout en gardant une structure assez solide, le 2007 qui provient d’une parcelle calcaro-gréseuse située au dessus de la limite du Pfersigberg, flatte les sens par son aromatique très pure mais se montre un peu moins « punchy » en bouche, même si les sensations en finale laissent penser qu’il peut encore évoluer.

Muscat Andlau 2003 – Domaine des Marronniers à Andlau : le nez d’intensité moyenne révèle des notes de résine et de raisin sec, la bouche est agréable avec son toucher soyeux, sa matière généreuse et son équilibre étonnant de vivacité, la finale est rafraîchie par des arômes finement mentholés.
Le coté solaire du millésime marque le vin tant au niveau de l’olfaction qu’au niveau de la présence en bouche, mais l’équilibre tient sans faillir…c’est une très belle réussite !

Muscat Herrenweg 2002 – Domaine Zind-Humbrecht à Turkheimn : le nez est moyennement intense avec des notes de tisane et de poivre blanc, la bouche légère et bien équilibrée est fort agréable malgré une finale un peu courte.
Muscat Cuvée Exceptionnelle 2001 – Domaine Bott frères à Ribeauvillé : le nez, sur le raisin sec et l’abricot confit comme la bouche avec sa matière très généreuse révèlent une très belle maturité mais l’ensemble reste fin et équilibré avec une finale légère marquée par des notes de tisane discrètement mentholée.
Ces deux vins qui ont atteint la décennie ont gardé une belle fraîcheur avec la marque du terroir pour le premier (une certaine légèreté due aux sols d’alluvions de la plaine de la Fecht) et l’influence du millésime pour le second (récolté à la limite de le V.T.).

Muscat 1981 – Domaine Klipfel à Barr : le nez est intense et très complexe sur la menthe poivrée, la citronnelle et une touche finement anisée qui rappelle l’estragon, la bouche est en cohérence avec le nez, car après une attaque en douceur la présence aromatique s’affirme progressivement pour finir en beauté sur la menthe et les épices.
Récolté sur le coteau du Freiberg situé dans le prolongement du Kirchberg de Barr, ce muscat trentenaire est somptueux : raffiné, complexe et frais…je vais peut-être revoir ma politique de gestion de cave en commençant à garder quelques flacons de ce cépage !


 

CIMG4126
30 ans séparent la première de la dernière bouteille…


Pour conclure :

- Le muscat est depuis toujours l’un de mes cépages préférés en Alsace ; je l’aime pour ses arômes charmeurs de raisin frais et de fleurs et pour leur silhouette légère et juvénile. Pour moi, c’est avant tout un vin de plaisir simple et immédiat dont je n’ai que très rarement évalué le potentiel de garde. Pourtant, comme nous l’a rappelé Thierry dans son introduction, le muscat sait se tenir dans le temps et évolue en passant par 4 étapes :
=> lors de la première année il se goûte comme un vin primeur présentant un caractère fruité et amylique
=> jusqu’à 3 ans, le fruit s’épanouit et la salinité commence à pointer dans les vins issus de grands terroirs.
=> entre 4 et 10 ans, le fruité devient plus mûr, les notes de tisane font leur apparition et les grands vins de terroir arrivent à pleine maturité.
=> après 10 ans, le fruit s’estompe, les notes de tisane et d’herbes sèches dominent avec l’expressivité des terroirs.
Cette belle série nous a permis de vérifier, verre en main et papilles en éveil, la pertinence de ces allégations…Superbe leçon !


- Néanmoins, malgré la claque reçue en buvant le 81, mon goût personnel reste en faveur des vins jeunes : même si je suis très sensible à l’élégance des palettes aromatiques des muscats évolués, je suis moins convaincu face à leur présence en bouche qui a quand même tendance à s’étioler dans le temps. Certes tous les vins présentés dans cette série se tenaient tous très bien, mais dès les cuvées du millésime 2008 je n’ai pas pu m’empêcher de penser que j’aurais surement eu encore plus de plaisir à les boire quelques années plus tôt…


- Pour les coups de cœur c’est le grand écart : le muscat 3 Demoiselles 2011 a montré un profil conforme à mes attentes face à ce cépage (le 2010 dégusté récemment était également superbe !) mais à l’autre bout de la série il y a l’incroyable 1981 dont la finesse et la jeunesse m’ont bouleversé…Dilemme !


Thème 2 : les alsaces moelleux sont-ils de bonnes affaires pour l’amateur ?


Sainte Croix du Mont 2010 – Pierre Chanau (Auchan) : le nez est assez agréable avec des notes de tabac brun, de fruits jaunes mûrs et de pain grillé, la bouche est moelleuse, facile d’accès mais la finale est bien courte.
Coteaux du Layon Elysis 2010 – Caves de la Loire à Brassac : le nez est assez plaisant sur le miel et le champignon blanc, la bouche est très dissociée avec un côté acidulé et un côté moelleux qui cohabitent sans grande harmonie.
La série ne commence pas trop mal avec un premier moelleux honnête au charme consensuel mais superficiel, hélas, avec la seconde bouteille c’est un peu la punition…un vin brouillon sans intérêt.

Gewurztraminer 2010 – H. Eberhard négociant à Ammerschwihr pour Leclerc : le nez est complexe et fin sur la rose, la violette et le bois de réglisse, l’équilibre moelleux/acidité ne manque pas d’élégance, la finale séduit par sa belle fraîcheur mais déçoit un peu par sa faible longueur.
Château Valentin - Loupiac 2007 – Caves de Loze à Gabarnac : bouchonné, imbuvable.
Ne cherchez pas le domaine Rebmann (qui se traduit par « homme des vignes ») en Alsace, à l’instar du « grand » Pierre Chanau qui fournit des vins à Auchan, c’est également un vigneron virtuel crée par Leclerc. Malgré tout, il faut reconnaître que ce gewurztraminer bien typé et joliment balancé se déguste avec beaucoup de plaisir…avec un peu de profondeur en plus, il pourrait revendiquer une place parmi les beaux vins d’Alsace.

Blanc moelleux du Comté Tolosan – S.A. Trilles à Maureilhan : le nez assez franc est dominé par des notes de sauvignon, en bouche c’est Trafalgar : complètement dissocié, rachitique et aqueux en finale…reste une vague impression sucrée, mais c’est une bien maigre consolation !
Pinot Gris V.T. 2007 – Domaine Eblin-Fuchs à Zellenberg : le nez est discret sur les fruits jaunes avec une petite touche lactée, en bouche l’équilibre est rond, confortable et très consensuel, la finale marquée par des notes de caramel manqque un peu de longueur.
Inutile de s’étendre sur le cas du premier vin, un breuvage tout bonnement indigne qui nous a fait apprécier le second avec une certaine indulgence… Ceci dit, ce pinot gris, vinifié avec le souci de plaire au plus grand nombre, reste à un niveau de qualité tout à fait honorable.
 

 

Fonduroc - Côtes de Bergerac moelleux 2007 – U.C.V.D.A.F. : bouchonné, imbuvable.
Gewurztraminer V.T. 2009 – Bestheim : le nez est net mais assez discret avec des notes de fruits secs, de grillé et de fleurs, la bouche est onctueuse, l’équilibre est franchement liquoreux et la finale assez longue révèle de délicates nuances fumées et poivrées.
Après un deuxième bouchon défectueux sur cette série (ça commence à faire beaucoup !), cette bouteille de gewurztraminer nous propose une version classique mais bien séduisante de ce cépage en surmaturité…ouf, on commençait à désespérer !

Gewurztraminer V.T. 2005 – Cave Viticole de Turkheim : le nez est ouvert et très complexe avec une palette florale (lavande, rose) et exotique, la bouche est ample, moelleuse et solidement structurée avec un agréable goût de raisin sec, la finale est pure mais de longueur moyenne.
Enfin un moelleux complet et complexe à souhait…mais placé hors concours à la fin cette série somme toute un peu tristounette…une récompense bien méritée pour les dégustateurs du jour qui ont bien voulu se prêter à ce jeu de comparaison mettant en compétition des bouteilles d’un niveau qualitatif d’une faiblesse inhabituelle dans les sélections de l’Oenothèque


 

CIMG4129
Les sucrettes assez tristounettes…



Pour conclure :

- L’étalonnage du goût est un exercice parfois ingrat pour un dégustateur amateur. Cette série de bouteilles que Thierry a volontairement collectées dans la grande distribution avait comme objectif de situer les moelleux alsaciens dans l’offre française d’entrée de gamme : j’ai joué le jeu en classant tous les vins à l’aveugle.
    
1 : Gewurztraminer 2010 - 5,45 euros     
2 : Gewurztraminer VT 2009 - 17 euros    
3 : Sainte Croix du Mont 2010 - 4,59 euros    
4 : Pinot Gris VT 2007 - 16,15 euros    
5 : Coteaux du Layon 2010 - 6,79 euros     
6 : Blanc du Comté Tolosan - 1,49 euros     
Non évaluables : Loupiac 2007 -  4,11 euros (50 cl) et Côtes de Bergerac 2007 - 2,43 euros    

- L’analyse de ce petit tableau fait apparaître quelques évidences :
=> les moelleux alsaciens s’en sortent très bien en se classant au sommet de la hiérarchie (classement largement partagé par l’ensemble des dégustateurs présents) d’autant plus qu’il y a un réel fossé qualitatif entre le 4° et le 5° vin.
=> les moelleux alsaciens d’entrée de gamme sont chers : on ne trouve aucune bouteille libellée V.T. en dessous de 15 euros les 75 cl.
=> en terme de rapport Q/P, c’est le gewurztraminer 2010 qui remporte la palme suivi par le surprenant Sainte Croix du Mont qui, malgré sa simplicité, offre la possibilité d’entrer dans l’univers des vins moelleux à peu de frais.

- Ceci dit, comme tout œnophile convaincu qu’il vaut mieux boire moins et boire bien, je militerai évidemment en faveur de l’achat de V.T. alsaciennes…
à bon entendeur !

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commentaires

E
Salut,<br /> <br /> Série de haut vol pour les moelleux ! J'avoue ne jamais avoir accédé à ces étiquettes ! Vais-je un jour en déguster ? humm, rien n'est moins sûr... :)<br /> <br /> Bon, même si je ne regrette pas de ne pas avoir pu participer pour l'absence de fun de cette série, le sujet m'intéresse fortement car je suis parfois paumé devant un besoin de fournir du vin<br /> moelleux à famille ou amis non amateurs "avertis" (pfff, comme si j'étais averti...).<br /> <br /> Alors si c'est "juste" pour servir un vin "sucré", autant prendre un petit moelleux bordelais chaptalisé comme il faut, qui fera l'affaire (petite) pour ce qu'il est, plutôt qu'une de ces médiocres<br /> VT alsaciennes indignes de l'esprit dans lequel cette mention a été crée...et aux équilibres incertains... non ?<br /> <br /> A l'opposé, je te rejoins quand tu dis de boire moins mais bon, mais ce moment, on n'est plus dans le même monde, c'est mon avis. Là, on ne mettrai plus - par exemple - les moelleux alsaciens qui<br /> conservent une acidité dans la même série que des beaux "rotis" des moelleux sauternais.<br /> <br /> Donc en fait, ça m'arrange de lire le résultat, ça me donne les réponses sans avoir à passer par cette série. Merci Pierre pour ce CR !
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Bonjour à tous

Amateur de vin depuis près de 30 ans et internaute intervenant sur un forum de dégustateurs depuis plusieurs années, j’ai crée ce blog pour regrouper et rendre plus accessibles mes modestes contributions consacrées à la chose vinique.

 

Mes articles parlent presque toujours de rencontres que j’ai eu l’occasion de faire grâce au vin :

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rencontres avec des vignerons et avec leur vignoble pour des moments tout simplement magiques sur les routes du vin ou au fond des caves.

 

J’essaie de me perfectionner dans l’art compliqué de la dégustation dans le seul but de mieux comprendre et mieux pouvoir apprécier tous les vins.

Mes avis et mes appréciations sont totalement subjectifs : une dégustation purement organoleptique ne me procure qu’un plaisir incomplet.

Quand j’ouvre une bouteille de vin, j’aime pouvoir y associer le visage du vigneron qui l’a fait naître, j’aime connaître les secrets de son terroir, j’aime avoir plein d’images et de souvenirs associés à ce liquide blanc ou rouge qui brille dans mon verre.

 

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