Le Sommerberg et Claude Weinzorn, c’est l’histoire d’une longue relation, parfois tumultueuse mais toujours passionnelle, entre un terroir et un vigneron.
Claude connaît le moindre recoin de ce coteau classé Grand Cru et l’aime profondément, malgré les efforts surhumains que ces abruptes pentes granitiques exigent de tous ceux qui veulent en exploiter la richesse.
Après la conquête du sommet, avec la plantation de la parcelle « Z » dans une zone particulièrement difficile (voir C.R. sur D.C.), Claude a décidé de faire du vin de glace sur les quelques rangs de gewurztraminer situés à l’extrémité est du Sommerberg.
C’est ainsi que je me suis retrouvés le 7 janvier 2009 dans la froidure d’un petit matin d’hiver (- 6°), en compagnie de la famille Weinzorn, de Stéphane et d’une petite dizaine d’amis du domaine, armés de sécateurs et de balayettes pour vendanger les 25 ares de cette petite vigne qui a défié le temps.
Gants, sécateurs et balayettes… cherchez l’erreur !
Début des vendanges au petit jour.
La fille au sécateur...
et le papa à la balayette.
Les raisins sont dans un état surprenant : les grappes sont quasiment intactes et recouvertes d’une fine pellicule de neige que le chef nous demande de faire tomber avant de prélever les fruits… c’est là qu’interviennent les fameuses balayettes.
Bon sang, mais c’est bien sûr !
La coupe est relativement facile : il n’y a plus de feuilles et les raisins sont beaux avec des grains compacts et durs qui lâchent un jus épais et collant sur nos gants. Il ne faut pourtant pas se précipiter, la rafle est ultra fragile et tout geste trop brusque est immédiatement sanctionné par une volée de baies bleutées qui s’éparpillent dans la neige… et qu’il faut aller ramasser car Claude ne veut pas que ses précieuses pépites se perdent.
Après une première heure de travail, Sandrine Weinzorn nous propose un délicieux vin chaud maison épicé à souhait, pour nous réchauffer et nous donner petit coup de fouet avant l’attaque des derniers rangs de la parcelle.
Claude n’a aucune envie de boire un verre, il ne tient plus en place : il a peur que les raisins dégèlent, il est harcelé par les journalistes qui ont littéralement envahi le coteau (les D.N.A., L’Alsace et TF1…rien que ça !), il s’interroge encore sur la manière de presser…
Vers 10 heures, la parcelle est vendangée et 7 bottiches pleines prennent le chemin de la cave… l’heure de vérité approche.
Le jour s’est levé et Stéphane termine le dernier rang…
A peine une demi-heure plus tard on peut entendre le clac clac des billes de raisin qui tombent dans le tambour en inox du pressoir pneumatique.
TF1 filme le chargement du pressoir, Claude commence à se détendre…
Le pressurage démarre en douceur, suivant les conseils avisés de Jacky Bind venu de Scherwiller pour épauler son ami, et, très rapidement, les premières gouttes d’un jus huileux et joliment parfumé, tombent…
Malgré la couleur peu engageante de ce premier jus, tout le monde a envie de goûter. Il faut dire que le résultat est assez impressionnant : le nectar possède une sucrosité puissante mais reste tendu par une belle trame acide sous-jacente. Claude sourit à pleines dents et nous lâche enfin son légendaire « C’est bon, hein ! ».
Les premières mesures dépassent toutes les espérances : le mustimètre ne possède pas assez de graduations pour évaluer la densité de ce jus exceptionnel.
Claude et Jacky avec le mustimètre…ils n’en croient pas leurs yeux
Une première mesure nous donne une densité supérieure à 1135 pour un jus à moins 1°C.
Après plus de 150 litres une seconde mesure révèle une densité encore plus élevé pour un jus à moins 3°C.
Après une petite heure de pressurage lent, la membrane est dégonflée et le tambour du pressoir est ouvert pour vérifier l’état des raisins restants… édifiant !
Des baies presque intactes après le premier pressurage
Le deuxième pressurage est lancé, Claude et Jacky parlent stratégie… et finissent par fixer le point limite pour cette tête de cuvée à une densité de 1130.
Le reste sera gardé dans le tambour et sera pressé après un dégel complet avec peut-être une autre cuvée surprenante à la clé… qui sait ?
Aux dernières nouvelles , le volume final pour ce fameux vin de glace est de 340 litres avec un degré potentiel de 19°2, si tout va bien ce sera une S.G.N.
Notre roi du Sommerberg est comblé : non seulement il a réussi son pari mais le résultat dépasse largement ses espérances.
Il lui reste maintenant à exploiter toute cette belle matière première pour nous concocter un GRAND VIN… mais ça c’est une autre histoire !
Une dernière surprise avant de partir, Claude nous invite à déguster sa première récolte sur la parcelle « Z ». La vigne n’a que 3 ans mais le riesling qu’elle a engendré frise déjà l’exceptionnel : un nez d’une puissance et d’une précision rares (une corbeille de fruits exotiques) et une bouche ample, équilibré avec une profondeur digne d’un très grand vin. Incroyable !
Je ne suis pas visionnaire (ni même qualifié pour parler comme je le fais) mais je ne pense pas me tromper si je vous dis que cette parcelle engendrera des vins d’anthologie dans les années à venir.
11 heures 30, le jus continue de s’écouler doucement, Claude est sur le qui-vive dans sa cave, une part de galette des rois et une dernière dégustation de quelques 2005, 2006 et 2007 avec Madame et nous voilà repartis vers Strasbourg avec plein de beaux souvenirs … et quelques beaux flacons généreusement offerts par la maison.
Qui a dit que cette année commençait mal !
L’extrême est du Sommerberg, appelé Kougelhopf par les autochtones, avec en haut, les filets bleus de la parcelle de Claude Weinzorn
Pierre